Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dû se défendre mercredi d'avoir voulu exonérer Hitler de sa responsabilité dans la Shoah en déclarant que c'était le mufti de Jérusalem de l'époque qui avait donné au dictateur l'idée d'exterminer les juifs d'Europe.
M. Netanyahu s'est retrouvé accusé par l'opposition israélienne et le président palestinien Mahmoud Abbas de déformer l'histoire, et raillé par les internautes.
La controverse a éclaté après un discours prononcé devant le Congrès sioniste à Jérusalem mardi, veille du départ de M. Netanyahu pour l'Allemagne en visite officielle.
M. Netanyahu évoquait une rencontre en novembre 1941 en Allemagne entre Adolf Hitler et le grand mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini, haut dirigeant musulman dans la Palestine alors sous mandat britannique.
"Hitler, à ce moment là, ne voulait pas exterminer les juifs mais les expulser. Alors Haj Amin al-Husseini est allé voir Hitler et a dit: 'Si vous les expulsez, ils viendront tous ici'", en Palestine, a dit M. Netanyahu. "'Et qu'est-ce que je vais en faire?' a demandé (Hitler). Il (le mufti) a dit: 'Brûlez-les'", a déclaré le Premier ministre israélien.
M. Netanyahu invoquait ce personnage pour réfuter selon lui les accusations historiquement mensongères selon lesquelles les juifs ou Israël chercheraient à détruire ou s'accaparer l'esplanade des Mosquées et la mosquée Al-Aqsa qui s'y trouve, à Jérusalem. Cette question est centrale dans l'enchaînement actuel des violences entre Palestiniens et Israéliens.
- Les Beatles et le mufti -
Les adversaires de M. Netanyahu, les Palestiniens et les internautes se sont rués sur ces déclarations.
Le chef de l'opposition travailliste Isaac Herzog s'est indigné d'une "déformation historique dangereuse" minimisant la part prise par Hitler dans la Shoah, de la part d'un fils d'historien spécialiste de l'histoire juive.
Le président Mahmoud Abbas, pris en défaut quelques jours plus tôt sur le sort d'un auteur d'attentat, a pris sa revanche en accusant les Israéliens de distordre "leur histoire, les actes criminels qui leur ont été infligés" pour s'en servir contre les Palestiniens.
Le négociateur palestinien Saëb Erakat a déploré que le "chef du gouvernement israélien haïsse son voisin (palestinien) au point d'être prêt à absoudre le premier criminel de guerre de l'Histoire, Adolf Hitler, du meurtre de six millions de juifs pendant l'Holocauste".
Des plaisantins ont diffusé sur internet des caricatures ou des détournements comme celui des Beatles à une fenêtre étreignant le mufti, avec cette légende: "Il était temps qu'on sache vraiment à cause de qui les Beatles ont rompu".
Devant les réactions suscitées par ses propos, M. Netanyahu a pris le temps de se justifier au pied de l'avion qui devait l'emmener en Allemagne.
"C'est absurde. Je n'avais aucune intention d'absoudre Hitler de sa responsabilité dans la destruction démoniaque du judaïsme européen. Hitler était responsable de la solution finale", a-t-il dit.
- Responsabilité allemande "inhérente" -
Son objectif était de montrer que "l'incitation à la violence et à l'assassinat des juifs qui a commencé alors avec (Haj Amin al-Husseini) se poursuit", a-t-il dit. Il a noté que "le père de la nation palestinienne" restait "une figure respectée dans la société palestinienne, il apparaît dans les manuels scolaires".
L'historienne en chef du mémorial Yad Vashem pour la mémoire de la Shoah, à Jérusalem, a estimé que les propos de M. Netanyahu n'étaient pas "historiquement exacts". "Ce n'est pas le mufti, même s'il avait des positions antijuives très extrêmes, qui a donné à Hitler l'idée d'exterminer les juifs", a déclaré Dina Porat à l'AFP.
"Cette idée est bien antérieure à leur rencontre de novembre 1941. Dans un discours au Reichstag le 30 janvier 1939, Hitler évoque déjà 'une extermination de la race juive'", a-t-elle dit.
Husseini, réfugié en Allemagne en 1941, avait demandé à Hitler son soutien pour l'indépendance de la Palestine et des pays arabes, et empêcher la création d'un foyer juif. L'Etat d'Israël a été proclamé en 1948.
L'Allemagne, entraînée dans la querelle, a de nouveau assumé ses responsabilités historiques. "Je ne vois aucune raison de changer de quelque manière que ce soit notre vision de l'Histoire. Nous savons que la responsabilité allemande pour ce crime contre l'Humanité est inhérente", a souligné le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert.