Les responsables des atrocités commises en Syrie doivent être traduits en justice, a estimé vendredi le procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, alors que cette guerre entre mardi dans sa sixième année.
"En tant que procureur international et en tant que personne qui croit en la justice, il est évident que tôt ou tard rendre la justice sera nécessaire pour les crimes qui ont été commis en Syrie", a affirmé Serge Brammertz lors d'un entretien avec l'AFP.
"Il y a déjà en Syrie plus de victimes que pendant les guerres de l'ancienne Yougoslavie pour lesquelles un tribunal entier a été mis en place et fonctionne depuis plus de 20 ans", a-t-il ajouté.
La guerre en Syrie avait débuté le 15 mars 2011 lorsque, dans le sillage du Printemps arabe, de petites manifestations ont été violemment dispersées à Damas par le régime tenu d'une main de fer depuis 45 ans par Hafez al-Assad puis son fils Bachar.
Cette révolte pacifique réclamant des réformes politiques s'est progressivement transformée en une guerre qui s'est complexifiée avec la montée en puissance de groupes jihadistes et l'entrée en jeu d'acteurs extérieurs. Le conflit a fait plus de 270.000 morts et provoqué la fuite de plus de la moitié de la population du pays.
Récolter les preuves sera "un exercice très, très difficile", a reconnu le procureur, évoquant les obstacles pour se rendre sur le terrain.
La Commission d'enquête de l'ONU a recommandé fin février dans un rapport de faire de la justice un élément essentiel du processus de paix, assurant que des crimes de guerre continuaient d'être commis de manière régulière dans le pays.
Un projet de résolution français à l'ONU prévoyant de saisir la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes commis en Syrie s'était vue opposer les vetos de Moscou et de Pékin en mai 2014.
Le TPIY avait été mis en place en 1993, alors que les guerres dans les Balkans étaient toujours en cours, pour poursuivre en justice ceux qui étaient les plus responsables des atrocités.
Plus de 140.000 personnes sont décédées au cours de ces guerres, qui ont également provoqué l'exode de plus de 4 millions de personnes.
Le tribunal doit prononcer le 24 mars son jugement contre le chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic. Il est accusé de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
M. Brammertz a refusé de se prononcer sur les possibles modes de fonctionnement d'un tribunal syrien, tout en affirmant que la construction devrait être basée sur une "approche où vous avez un contrôle national avec l'implication de la communauté internationale".
Cette implication est nécessaire, a-t-il ajouté, "car je pense qu'aucun pays ne peut trouver la solution dans ses structures judiciaires nationales après un conflit aussi violent".