Les exactions de l'EI qualifiées de "génocides" par Washington

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Les Etats-Unis estiment que les massacres perpétrés par le groupe Etat islamique contre les minorités chrétienne, yazidi et chiite sont des génocides, une charge avant tout symbolique qui n'oblige pas Washington à engager d'action devant la justice internationale contre les jihadistes.

L'exécutif américain, par la voix de son porte-parole Josh Earnest, a affirmé jeudi être prêt à coopérer "avec des efforts indépendants pour enquêter sur un génocide" en Irak et en Syrie commis par les jihadistes.

"L'EI affirme lui-même qu'il commet des génocides, des faits confirmés par son idéologie et par ses actions, par ce qu'il dit, par ce qu'il croit et ce qu'il fait", a lancé plus tôt le secrétaire d'Etat américain John Kerry.

"L'EI est aussi responsable de crimes contre l'humanité et de nettoyage ethnique contre ces mêmes groupes et, dans certains cas, contre d'autres musulmans sunnites, contre les Kurdes et d'autres minorités", a-t-il ajouté.

Le tribunal pénal international "est typiquement l'organisation qui se pencherait là-dessus, et vu le jugement émis par le secrétaire Kerry, les Etats-Unis soutiendraient cet effort à la fois dans la rhétorique, mais aussi d'une manière tangible", a expliqué M. Earnest.

Un génocide est un crime selon les règlements internationaux mais les propos de John Kerry n'obligent pas juridiquement Washington à engager des poursuites, selon des responsables américains.

Le centre Simon Wiesenthal, qui recense les génocides, s'est en tout cas réjoui de cette annonce: "Nous renouvelons notre appel aux autorités américaines pour qu'elles mettent les yazidis et les chrétiens au sommet de la liste dans les demandes d'immigration dans notre pays", a-t-il indiqué.

Un responsable du département d'Etat a relevé, sous condition d'anonymat, que l'annonce ne changerait pas le statut des demandes des réfugiés en provenance de Syrie. Mais il a souligné que ceux-ci bénéficiaient déjà d'un traitement de faveur car les atrocités du groupe EI sont connues depuis longtemps.

M. Kerry a également rappelé que les Etats-Unis faisaient leur maximum en menant une coalition de 66 pays pour "affaiblir et détruire" l'organisation par ses frappes aériennes.

Le chef de la diplomatie a lui aussi expliqué que les crimes commis par les jihadistes devraient être un jour jugés par un tribunal international et que Washington ferait tout son possible pour appuyer enquêtes et poursuites.

L'EI recrute des extrémistes parmi les communautés sunnites et a commis des tueries de masse contre les chiites, les chrétiens et les yazidis.

En mars 2015, les enquêteurs des Nations unies avaient déjà mis en garde sur le fait que l'EI essayait d'anéantir les yazidis, une minorité religieuse qui puise les origines de sa foi dans le mazdéisme iranien et le culte de Mithra.

- 'Assad, criminel de guerre' -

"Pour ces communautés il s'agit d'enjeux existentiels, donc nous devons garder en tête qu'après tout, la meilleure réponse à un génocide est une réaffirmation du droit fondamental à survivre", a ajouté M. Kerry.

Le Congrès américain avait déjà voté de son côté pour qualifier ces massacres de génocides.

"Et maintenant?", s'est interrogé Chris Smith, qui préside la commission en charge des droits de l'homme à la Chambre des représentants. Il plaide pour que Washington pousse à la création d'un tribunal international spécial, comme ceux mis en place pour juger les génocides au Rwanda et en Yougoslavie.

"Un tribunal pour la Syrie jugerait non seulement les génocidaires de l'EI, mais aussi toutes les parties, notamment le criminel de guerre Bachar al-Assad, pour les faits horribles dont ils sont coupables", a-t-il lancé.

John Kerry a précisé que grâce à l'appui aérien de la coalition internationale, les forces locales avaient réussi à reprendre 40% des territoires contrôlés par l'EI en Irak, et 20% en Syrie.

"Nous avons affaibli leur direction, attaqué leurs sources de revenus et perturbé leurs voies d'approvisionnement. Et actuellement nous sommes engagés dans une initiative diplomatique destinée à essayer de mettre fin à la guerre en Syrie", a-t-il repris.

L'intensité du conflit et les meurtres de journalistes, de travailleurs humanitaires et de toutes les personnes suspectées d'être des "espions" par l'EI rendent très difficile un recensement précis des exactions. Mais le groupe lui-même a diffusé des vidéos dans lesquelles les jihadistes commettent des massacres.