la semaine de la justice transitionnelle : Karadzic, Bemba et la RCA

la semaine de la justice transitionnelle : Karadzic, Bemba et la RCA©ICTY
Radovan Karadzic devant le TPIY
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Justice a été rendue cette semaine. En Afrique par la Cour Pénale Internationale avec la condamnation de Jean-Pierre Bemba seigneur de guerre et vice-président de la République Démocratique du Congo pour crimes de guerre commis en Centrafrique. En Europe par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) avec la condamnation de Radovan Karadzic pour génocide et crimes commis en Bosnie. Rendus à quelques jours de distance, ces deux verdicts marquent chacun un précédent dans le domaine de la justice transitionnelle.

En condamnant Radovan Karadzic, l’ex chef politique des Serbes de Bosnie à 40 ans de prison, le TPIY a sans doute rendu le jugement le plus important de son histoire, comparable aux verdicts du Tribunal de Nuremberg. Stéphanie Maupas, correspondante de Justiceinfo.net à la Haye s’interroge ainsi sur les conséquences de cette décision : « Quel impact ce jugement peut avoir en Bosnie-Herzégovine ? Lorsque chacun verra la vérité en face, reconnaîtra que son propre camp compte aussi ses bourreaux et que les groupes d’en face pleurent aussi leurs victimes, peut-être qu’il sera temps de lire le jugement de 2590 pages prononcé par le TPIY contre Karadzic. C’est un long voyage dans les crimes commis par les forces bosno-serbes en Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995. Le résultat de dix ans d’enquêtes conduites par ce tribunal entre 1995 et 2005 et plus de vingt ans de procès depuis sa création par le Conseil de sécurité de l’Onu en mai 1993 ».

Ce jugement reste néanmoins ambigu. Condamné pour génocide pour les massacres de Srebrenica, Karadzic échappe à ce même chef d’accusation pour d’autres massacres commis dans d’autres villes de Bosnie. Les juges au terme d’un raisonnement complexe expliquent que dans ces villes l’intention de commettre un génocide, essentielle pour cette catégorie juridique n’a pas pu être prouvée. Inventé en 1944 par un juriste polonais Raphael Lemkin, le génocide a été intégré au droit international dans une Convention de l'ONU de 1948 qui le définit comme un acte ou une série d'actes "commis dans l'intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".

Les juges du TPIY ont convenu que Karadzic et ses forces serbes de Bosnie avaient bien "l'intention de tuer tous les hommes musulmans de Bosnie valides" à Srebrenica, mais qu'il n'y avait "pas de preuves suffisantes" pour établir qu'un génocide avait été commis ailleurs. Un raisonnement critiqué et incompris notamment par les victimes et parents des victimes ; si volonté de commettre un génocide, il y a de Karadzic, il apparaît spécieux qu’elle s’arrête aux frontières de Srebrenica.

Le verdict de Jean-Paul Bemba a été sujet à moins de controverses. Ce verdict, le quatrième seulement prononcé par la CPI en 12 ans d’histoire, marque ainsi trois précédents importants : la reconnaissance des crimes sexuels comme crimes contre l’humanité, la responsabilité des commandants et enfin la responsabilité pour les crimes commis par les troupes opérant à l’étranger. Il reste que la condamnation de Bemba, - la peine de prison sera prononcée plus tard par les juges de la CPI-, ne doit pas exempter les Centrafricains qui investissent cette semaine leur nouveau Président Faustin-Archange Touadéra, à juger aussi les Centrafricains accusés des pires crimes contre l’humanité. Ephrem Rugiriza de Justiceinfo.net cite ainsi l'experte indépendante de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Centrafrique, Marie-Thérèse Keita-Bocoum, qui après un entretien avec le président élu explique : « Tous les acteurs de la société civile que j'ai rencontrés ont déploré l'absence de la chaîne pénale, le manque d'accès à la justice et l'absence de mesures pour protéger les victimes et les témoins ». La justice transitionnelle constitue « un immense chantier qui attend les nouvelles autorités », affirme ainsi l’ONU.