La capitale sud-soudanaise Juba était le théâtre lundi, pour la deuxième journée consécutive, de violents combats, forces loyalistes et ex-rebelles continuant de s'affronter malgré la réprobation d'une communauté internationale impuissante et le traumatisme imposé à la population.
Ces combats, impliquant de l'artillerie lourde, ont éclaté dans la matinée vers l'aéroport et le quartier de Tomping, dans le centre, a indiqué à l'AFP une source diplomatique occidentale.
L'ambassade des Etats-Unis à Juba a pour sa part fait état de "combats sérieux entre le gouvernement et les forces d'opposition" alors qu'un travailleur humanitaire installé à Juba a parlé "de combats très, très lourds", ajoutant que ses collègues et lui-même étaient barricadés chez eux.
Plusieurs sources ont par ailleurs attesté la présence de chars et d'hélicoptères de combat de l'armée gouvernementale dans le ciel de Juba. Sur des photos prises par un témoin et envoyées à l'AFP, au moins un de ces hélicoptères est entré en action, tirant une roquette.
Plus tôt dans la matinée, alors que le fracas des armes s'était tu pendant la nuit, des nouveaux combats s'étaient déroulés à Jebel, un des quartiers où les affrontements de la veille ont été les plus virulents, ainsi que dans le quartier de Munuki.
Depuis vendredi, les combats auraient fait près de 300 morts, selon des sources locales, mais ce bilan très certainement en deçà de la réalité puisqu'il porte essentiellement sur les pertes de vendredi.
Réuni en urgence à New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a exigé du président sud-soudanais Salva Kiir et de son rival, le vice-président Riek Machar, de "faire le maximum pour contrôler leurs forces respectives et mettre fin d'urgence aux combats".
Le président de la Commission de surveillance et d'évaluation (JMEC) de l'accord de paix signé le 26 août 2015 a pour sa part appelé lundi à "la cessation immédiate des hostilités" et à "une mise en oeuvre immédiate" de cet accord de paix.
- 'Brutalité insensée' -
Les causes précises de cette flambée de violence à Juba étaient encore inconnues lundi.
"Chaque jour où les combats se poursuivent marque une dégradation de la situation", a déploré un diplomate occidental, qui a dénoncé "la brutalité insensée avec laquelle les uns et les autres répondent aux provocations".
Selon les sources interrogées par l'AFP, les affrontements de lundi matin sont régulièrement entrecoupés de périodes de courte accalmie.
Des pluies orageuses se sont abattues sur Juba toute la nuit, rendant encore plus précaire la situation des milliers de civils apeurés qui ont dû fuir à la hâte les quartiers les plus touchés par les affrontements. Parmi eux, le correspondant de l'AFP a décrit une "situation terrifiante".
Des habitants se sont réfugiés dans un camp de l'ONU, à proximité duquel les combats ont éclaté, et qui abrite déjà 28.000 déplacés. D'autres se réfugiaient par centaines dans les églises de la ville.
D'après plusieurs médias locaux citant le ministère de la Santé, 270 personnes, combattants et civils, ont péri dans les seuls affrontements de vendredi.
On ignorait lundi où se trouvait M. Machar. L'ambassadeur de France au Soudan du Sud, Jean-Yves Roux, a toutefois opposé "un démenti formel" aux rumeurs selon lesquelles il se serait réfugié dans son ambassade. "C'est stupide et dangereux", a déclaré l'ambassadeur interrogé par l'AFP.
- Renforcer la Minuss -
Ces nouvelles violences, qui coïncident avec le 5e anniversaire de l'accession à l'indépendance du Soudan du Sud, font craindre une reprise des combats à grande échelle dans tout le pays, déchiré depuis décembre 2013 par une guerre civile dévastatrice qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.
Les 15 membres du conseil de sécurité de l'ONU ont demandé aux "pays de la région" et à l'Union africaine de "discuter fermement avec les dirigeants sud-soudanais pour traiter cette crise".
Les membres du Conseil "envisagent de renforcer" la mission de l'ONU au Soudan du Sud et demandent aux pays de la région "de se préparer à fournir des troupes supplémentaires au cas où le Conseil le déciderait".
Une réunion des ministres des Affaires étrangères de la sous-région (Igad) est prévue lundi après-midi à Nairobi pour discuter de la crise.
Selon un responsable de l'ONU, un Casque bleu chinois a été tué dans les combats à Juba et 12 autres de diverses nationalités ont été blessés. Dimanche, le conseil de sécurité de l'ONU a souligné que "les attaques contres les civils ou contre le personnel et les locaux de l'ONU pourraient constituer des crimes de guerre".