Le cessez-le-feu était respecté mardi dans la capitale du Soudan du Sud, où les armes sont restées muettes après quatre jours d'affrontements meurtriers entres forces loyalistes et ex-rebelles qui ont contraint au moins 36.000 personnes à fuir leurs foyers.
"Nous restons sur le qui-vive car tout peut arriver", a toutefois affirmé à l'AFP un habitant de Juba souhaitant conserver l'anonymat. "Nous avons déjà eu ce cas de figure par le passé : nous pensions que tout irait bien, mais ce n'était pas le cas".
Aucun coup de feu ou tir d'artillerie n'était entendu mardi et aucun hélicoptère de combat n'était visible dans le ciel de Juba, selon un correspondant de l'AFP sur place, des témoins et des médias locaux. L'aéroport de Juba reprenait timidement ses activités, un correspondant de l'AFP ayant vu un avion en décoller dans la matinée.
De vendredi soir à lundi, Juba a été le théâtre d'affrontements meurtriers entre forces fidèles au président Salva Kiir, et ex-rebelles du vice-président Riek Machar. Les deux hommes ont fini par annoncer lundi soir un cessez-le-feu réclamé depuis plusieurs jours par la communauté internationale.
Aucun bilan des quatre jours de combats n'est disponible, mais la plupart des acteurs s'accordent à dire que "des centaines" de personnes ont été tuées dans cette nouvelle flambée de violence, qui a coïncidé avec le 5e anniversaire de l'accession à l'indépendance du pays.
"Les combats s'étaient étendus lundi autour de Juba, mais il semble que ceux-ci se soient également arrêtés", a déclaré à l'AFP Joseph Amanya, un responsable de la branche locale de l'ONG Transitional Justice Working Group.
"Il y a des rumeurs de combats ailleurs dans le pays, mais rien n'indique à ce stade qu'ils sont liés à ceux de Juba", a-t-il ajouté, en référence aux conflits, dont certains remontent à avant l'indépendance, entre milices qui ne s'estiment liées à aucun des deux camps se partageant le pouvoir à Juba.
- Accord de paix en péril -
Parallèlement à l'annonce du cessez-le-feu, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé "un embargo immédiat sur les armes" destinées au pays, de nouvelles "sanctions ciblées" contre les fauteurs de troubles et appelé à "renforcer la mission de l'ONU au Soudan du Sud" (Minuss) en la dotant notamment d'hélicoptères de combat.
Car ces affrontements mettent en péril un accord de paix signé le 26 août 2015 et font craindre une reprise des combats à grande échelle dans le pays, déchiré depuis décembre 2013 par une guerre civile marquée par des massacres inter-ethniques et qui a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.
"Toute interruption des combats est bonne à prendre, même pour un jour, mais savoir si ce cessez-le-feu va tenir, c'est une autre question", a souligné Rashid Abdi, spécialiste de la région pour l'ONG International Crisis Group.
"Des combats comme ceux-ci sont désastreux pour le processus de paix car les parties qui combattent en ressortent encore plus amères", ajoute-t-il. "De plus, nous ne savons pas à quel point les deux leaders contrôlent leurs troupes".
L'embrasement de ces derniers jours fait suite à une altercation meurtrière jeudi soir entre membres des deux camps, à un des nombreux barrages de la ville et dans des circonstances encore floues.
Vendredi, des tirs d'armes automatiques avaient été entendus aux abords immédiats du palais présidentiel, où MM. Kiir et Machar étaient réunis pour une conférence de presse.
- Évacuation -
"Les derniers combats depuis vendredi ont déplacé 36.000 personnes" de cette ville d'environ 1,5 million d'habitants, a estimé depuis Genève Vanessa Huguenin, une porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). Elle a toutefois précisé que ce chiffre risquait d'évoluer en raison de la volatilité de la situation.
Ces personnes - en majorité des femmes et des enfants - ont fui les affrontements et se sont réfugiées dans les sites de protection des civils de la Minuss et d'autres endroits de la capitale, dont des églises et des écoles.
La Minuss avait annoncé lundi qu'un de ses deux camps à Juba avait été "pris directement dans les combats", faisant 67 blessés, dont huit sont ensuite décédés.
En Ouganda, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s'attend bientôt à l'arrivée de "milliers" de réfugiés fuyant les combats.
Kampala, dont les troupes envoyées en soutien de Salva Kiir ont quitté le pays fin 2015, a annoncé mardi l'envoi d'un contingent près de Juba pour évacuer ses ressortissants, le porte-parole du ministère de la Défense Paddy Ankunda assurant qu'il ne s'agissait pas d'un nouveau déploiement.