Mali: manifestation violente à Gao contre une disposition de l'accord de paix, deux morts

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Au moins deux personnes ont été tuées mardi à Gao, dans le nord du Mali, lors d'une manifestation de jeunes dénonçant la création d'autorités intérimaires dans ces régions, une disposition de l'accord censé ramener la paix dans ce pays instable.

Mi-juin, le gouvernement malien et les groupes armés signataires de l'accord de paix de mai-juin 2015 s'étaient entendus sur la création d'autorités intérimaires dans les cinq régions administratives du nord du Mali, dont le déploiement est prévu à partir de vendredi, en remplacement des collectivités territoriales.

Le président de chaque autorité intérimaire sera "le chef de l'exécutif local" et leurs décisions seront exécutoires immédiatement, leur légalité n'étant contrôlée par le représentant de l'Etat qu'a posteriori.

Une disposition rejetée par plusieurs organisations politiques et de la société civile maliennes, qui arguent de la non-représentativité ou de la non-légitimité de ces dirigeants temporaires.

Plusieurs associations et organisations de la société civile à Gao avaient appelé à manifester mardi pour dénoncer "plusieurs injustices", y compris les autorités intérimaires, selon des témoins.

La manifestation a été interdite par les autorités en raison de l'état d'urgence en vigueur, jusqu'à vendredi, a expliqué à l'AFP un responsable de la mairie de la ville joint par téléphone depuis Bamako.

En dépit de cette interdiction, des centaines de jeunes sont sortis dans les rues, à pied ou à moto. 

Des pneus ont été brulés à plusieurs endroits de la ville, les marchés ont fermé, ont raconté des témoins.

Des forces de sécurité sont intervenues pour disperser les manifestants, sans qu'on puisse savoir dans l'immédiat s'il s'agissait de policiers, de militaires ou de gendarmes. Certains témoins ont fait état de tirs de gaz lacrymogènes, d'autres de tirs à balles réelles. 

"Il y a deux morts par balle dans notre hôpital, ce sont des civils. Il y a aussi des blessés", a déclaré un responsable de l'hôpital de Gao.

Une source policière a indiqué qu'un policier avait été blessé, sans se prononcer sur le bilan ni fournir de détails.

 

- 'Pas du tout contents !' -

 

"Nous avons voulu manifester pour dénoncer l'insécurité sur la route Bamako-Gao, pour réclamer aussi notre recrutement au sein de l'armée et pour dénoncer la mise en place des autorités intérimaires", a déclaré à l'AFP Oumar Maïga, de l'association des jeunes de Gao, parmi les initiateurs de la manifestation.

"La mairie a voulu interdire notre marche en nous refusant l'autorisation. Nous avons décidé de la maintenir. Il y a eu des échauffourées. Les forces de l'ordre ont tiré avec les gaz lacrymogènes et des armes de guerre, c'est criminel" a-t-il ajouté.

"Nous ne sommes pas du tout contents ! Il ne faut pas que le gouvernement ne respecte que ceux qui prennent les armes", a dit un autre habitant.

Un enseignant a fait état de "tension toujours vive" dans la ville en début d'après-midi.

"Beaucoup de personnes sont enfermées à la maison", a-t-il ajouté, disant avoir entendu des jeunes menacer de s'en prendre aux domiciles de responsables municipaux.

L'accord de paix de 2015 prévoit aussi un processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des groupes armés - pro-Bamako et de l'ex-rébellion. Il vise à isoler définitivement les groupes jihadistes qui avaient pris le contrôle de ces vastes régions en mars-avril 2012.

Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement. 

Cependant, des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, y compris de la force de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), qui a enregistré une recrudescence d'attaques ayant fait une trentaine de Casques bleus tués en un an.

Fin juin, l'ONU a renforcé le mandat et les effectifs de la Minusma (de 12.000 à 14.500 policiers et militaires), lui fixant désormais pour priorité stratégique d'aider le gouvernement malien à appliquer l'accord de 2015, à rétablir son autorité sur le nord et le centre et à organiser des élections crédibles.

L'armée française dit de son côté avoir remis la "pression" sur les groupes jihadistes dans le nord du Mali, après une série d'attaques et attentats, afin d'empêcher toute reconstitution de sanctuaires.