Un document censé ouvrir la voie à la formation d'un gouvernement d'union en Tunisie a été signé mercredi au palais présidentiel en l'absence du Premier ministre Habib Essid, en rupture avec le chef de l'Etat et dont le sort semble scellé.
Intitulé "Accord de Carthage", ce document, signé par diverses formations politiques mais aussi le patronat Utica et le syndicat UGTT, entre autres, brosse un sombre tableau du pays à la fois sur les fronts économiques, sociaux et sécuritaires.
Il intervient après plus d'un mois de pourparlers sous l'égide du président Béji Caïd Essebsi, auteur d'un appel surprise le 2 juin en faveur d'un "gouvernement d'union nationale".
Les signataires doivent désormais s'entendre, dans un délai non précisé, sur la composition d'un tel cabinet et sur l'identité du Premier ministre, ce qui pourrait nécessiter plusieurs semaines.
L'initiative de M. Caïd Essebsi "a reçu un large soutien" et les priorités adoptées "font l'objet d'un consensus de la part de toutes les parties", a assuré dans un communiqué la présidence de la République.
La démarche a été lancée "à un moment où la Tunisie connait une crise politique, économique et sociale, et à la lumière des défis dans la lutte contre le terrorisme", a-t-elle ajouté.
Au cours du mois écoulé, des formations d'opposition comme le Front populaire (gauche) et "Al Irada", parti de l'ancien président Moncef Marzouki, ont rejeté l'initiative. Mais la situation du pays la justifie pleinement, ont insisté les services du chef de l'Etat.
La Tunisie est "entrée dans une étape critique avec la détérioration de la plupart des indicateurs économiques et la menace croissante du terrorisme", ont-ils argué, estimant que "l'étape écoulée" avait "vu une hausse du taux de chômage" et "la propagation de la corruption et de la contrebande".
Unique rescapée des Printemps arabe, la Tunisie n'est pas encore parvenue à relancer son économie et a été frappée depuis 2015 par une série d'attaques jihadistes sanglantes.
En présentant son initiative le 2 juin, M. Caïd Essebsi n'avait pas écarté un maintien du Premier ministre Habib Essid. Mais la rupture semble consommée et M. Essid, un indépendant, était absent de la cérémonie de mercredi.
Alors qu'il dit ne pas vouloir démissionner, son départ pourrait prendre du temps, la Constitution exigeant un vote en ce sens au Parlement.
"Je pense qu’il préfère aller à l’Assemblée", a déclaré au terme de la cérémonie Béji Caïd Essebsi, 89 ans, en rendant hommage à un "homme intègre et travailleur".
Sous le couvert de l'anonymat, une source gouvernementale a de son côté affirmé à l'AFP que "démissionner sous la pression" constituerait aux yeux de Habib Essid "un acte de désertion".
Cette source a par ailleurs vivement critiqué la démarche présidentielle, alors que le gouvernement commençait, selon elle, à enregistrer des résultats "concrets".
"Quand on vient déstabiliser le gouvernement dans ce contexte, c’est une question d’intérêts sous la table", a-t-elle argué, en se référant notamment aux ambitions prêtées à Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président et dirigeant du parti Nidaa Tounes.