La Russie a mis en doute mardi les conclusions d'un rapport d'enquête de l'ONU qui accuse son allié syrien d'avoir mené des attaques chimiques au gaz de chlore, alors que Londres, Washington et Paris réclament des sanctions contre Damas.
Les enquêteurs ont trouvé "l'arme du crime" mais "il n'y a pas d'empreintes sur l'arme", a affirmé l'ambassadeur russe auprès des Nations unies Vitali Tchourkine à des journalistes après une réunion à huis clos du Conseil de sécurité consacrée à l'examen du rapport, remis la semaine dernière.
"Il y a encore un certain nombre de questions qui doivent être clarifiées avant que nous puissions accepter les conclusions du rapport", a-t-il estimé.
Interrogé sur les sanctions réclamées par les Occidentaux, il a fait valoir que le rapport ne désigne "personne à sanctionner, pas de noms, ni de détails ou d'empreintes".
Il a évoqué la possibilité de "prolonger et de renforcer le mandat" de la commission d'enquête, baptisée Joint Investigative Mechanism (JIM). Son mandat d'un an expire fin septembre. "Globalement, le JIM a été un outil utile", a-t-il jugé.
Les enquêteurs ont conclu que des hélicoptères militaires syriens avaient répandu du gaz de chlore sur au moins deux localités de la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, à Talmenes le 21 avril 2014 et Sarmin le 16 mars 2015. Ils accusent aussi le groupe Etat islamique d'avoir utilisé du gaz moutarde à Marea (gouvernorat d'Alep, nord de la Syrie) le 21 août 2015.
- 'payer le prix' -
L'ambassadeur syrien Bachar Jaafari a rejeté ces conclusions, affirmant qu'elles "manquent totalement de preuves matérielles (établissant) que du gaz de chlore a été utilisé, qu'il s'agisse d'échantillons ou de rapports médicaux".
Le gouvernement syrien dénonce une "manipulation à des fins politiques" mais estime qu'il faut continuer d'enquêter sur les cas présumés d'attaques chimiques cités dans le rapport.
L'experte argentine en désarmement Virginia Gamba, qui a conduit l'équipe de 24 enquêteurs, a affirmé qu'ils avaient réuni des "preuves d'un haut niveau de fiabilité" et vérifiées auprès de nombreuses sources.
Elle a assuré que le JIM fournira à la mi-septembre ses conclusions sur trois autres cas d'attaques chimiques présumées dans le nord de la Syrie cités dans le rapport.
A leur entrée au Conseil, les représentants de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis avaient réclamé que le régime syrien rende des comptes.
La France, souhaite "des sanctions contre les responsables de ces actes qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité", a déclaré l'ambassadeur français François Delattre.
Il a souhaité que le mandat du JIM soit prolongé d'un an au moins.
L'ambassadrice américaine Samantha Power a affirmé que Damas devrait "payer le prix" de ces attaques mais sans préciser de quelle façon.
"Tous ceux qui sont responsables doivent rendre des comptes", a abondé l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft. "Nous souhaitons un régime de sanctions et l'utilisation des mécanismes légaux internationaux pour rendre la justice".
Les crimes de guerre et crimes contre l'humanité sont le domaine de compétence de la Cour pénale internationale (CPI).
Mais les tentatives des Occidentaux au Conseil pour obtenir que la CPI se saisisse des exactions commises dans la guerre complexe en Syrie ont buté jusqu'ici sur l'opposition de la Russie et de la Chine.