Régulièrement attaquée pour son tropisme africain, la Cour Pénale Internationale a annoncé cette semaine que l’une de ses équipes se rendrait pour la première fois en Israël.
Les conditions, motifs et même destination de cette visite n’ont été révélés ni par le tribunal international ni par l’Etat hébreu, preuve des tensions et passions suscitées par cette démarche. Notre correspondante en Israël Aude Marcovitch analyse les limites du bon vouloir israélien qui n’est pas signataire du statut de Rome (qui fonde la CPI) et qui ne reconnaît pas la compétence de la CPI sur son territoire ou sur les territoires occupés. “ C’est une nouvelle politique, faite d’échange et d’ouverture”, écrit notre correspondante, « qu’Israël a décidé de mener avec la Cour de la Haye. Non pas parce que Jérusalem a changé d’avis sur la légitimité de la Cour sur ce terrain, qu’elle réfute. Mais parce que les diplomates israéliens ont décidé de dialoguer pour mieux faire avancer leurs arguments à la Haye”.
En revanche, la Palestine après être devenue Etat non membre des Nations Unies fin 2012, a ratifié les statuts de la CPI et a été admise comme 123e Etat signataire en avril 2015. Sur sa demande, la Cour a ouvert une enquête préliminaire début 2015 sur des crimes présumés commis en Palestine, notamment à Gaza.
Si première il y a, elle est donc limitée et l’afro-centrisme de la CPI n’est pas encore démenti.
Ainsi, la Cour prépare le procès en décembre de Dominic Ongwen, commandant de la Lord Resistance Army (LRA), un groupe d’inspiration biblique (d’où son nom) originaire du nord de l’Ouganda mais qui a sévi en RCA, Congo et Soudan du Sud. La LRA est connue pour sa violence extrême et sa politique de recrutement d’enfants soldats. Ongwen un Ougandais a été lui-même enlevé par cette guerilla sur le chemin de l’école avant d’en devenir l’un des responsables.
Dans le mémoire déposé le 6 septembre par l’accusation, les violences sexuelles qualifiées de « crimes de guerre » occupent une place majeure et sans précédent dans le cadre d’un procès intenté par la CPI. JusticeInfo cite ainsi la procureure de la CPI Fatou Bensouda qui écrit : « La pratique des abus sexuels contre les femmes et les filles au sein de la LRA constitue l'une des caractéristiques de l'organisation, les femmes étaient traitées comme du butin de guerre, distribuées comme récompense sans autre forme de procès comme s'il s'agissait d'animaux ou d'objets inanimés ».
Cet accent mis sur les crimes sexuels devient un élément constitutif de la justice transitionnelle. On l’a vu avec le procès d’Hissène Habré, première chef d’Etat condamné pour viol devant les Chambres Africaines Extraordinaires, ou pour le congolais Jean-Pierre Bemba déclaré coupable par la CPI de viols commis en Centrafrique par des éléments de son ancienne rébellion du Mouvement de libération du Congo (MLC).
La CPI sanctionnait ainsi, pour la première fois de son histoire, l'utilisation de viols et de violences sexuelles en tant que crimes de guerre.
A signaler enfin, les sanctions imposées par les Etats-Unis aux deux fils du commandant de cette LRA, Joseph Kony. La LRA et les enfants de Kony sont notamment impliqués dans le trafic d’ivoire.
Kony lui-même toujours insaisissable est passible de 33 chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, y compris la réduction en esclavage, le fait de diriger intentionnellement une attaque contre une population civile, pillages, incitation au viol et enrôlement forcé d'enfants.
Enfin, en Colombie, dans l’une de ses premières interviews depuis la signature de l’accord de paix entre Bogota et la guérilla des FARC, le Président Santos explique : “"La paix parfaite n'existe pas parce qu'(elle) implique une justice parfaite et une justice parfaite rend la paix impossible. C'est une paix imparfaite, mais il vaut toujours mieux une paix imparfaite qu'une guerre parfaite."
Et de conclure : “"Bien sûr, j'aimerais voir derrière les barreaux tous ceux qui ont commis des crimes atroces, des crimes contre l'Humanité. Mais je préfère une justice transitionnelle (prévue par les accords: ndlr) afin que nous ne fassions plus de victimes. Pour beaucoup, cette transition n'est pas facile à accepter, mais elle est nécessaire si nous voulons la paix."
Eternel dilemme de la justice transitionnelle.