Des opposants vénézuéliens ont déposé une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) contre le président Nicolas Maduro pour crimes contre l'humanité, soulignant l'urgence de leur démarche, moins d'un mois avant les élections législatives.
"Nous avons présenté formellement (mardi) une requête pour que la cour ouvre une enquête préliminaire visant des hauts fonctionnaires, en particulier Maduro, car nous estimons que des crimes contre l'humanité ont été commis", a déclaré mercredi l'opposant Carlos Vecchio, lors d'une conférence de presse à Madrid.
A La Haye, une source de la CPI a confirmé le dépôt de cette requête devant le parquet, qui décidera dans les mois qui viennent s'il accepte d'ouvrir une enquête préliminaire sur ces crimes.
"Nous sommes convaincus que les critères du Statut de Rome (ayant créé la CPI) pour les crimes contre l'humanité sont réunis", a dit le coordinateur du parti d'opposition Volonté populaire, qui est présidé par Leopoldo Lopez, actuellement en prison près de Caracas. Il a évoqué des "assassinats, tortures, emprisonnements illégaux, persécutions, traitements inhumains".
La requête, présentée au nom d'un groupe de victimes parmi lesquelles Carlos Vecchio, vise huit hauts fonctionnaires vénézuéliens dont le président, a affirmé l'opposant sans livrer les noms des autres ni davantage de détails, "pour des raisons de confidentialité" et de stratégie judiciaire.
A moins d'un mois des élections législatives du 6 décembre, Carlos Vecchio a soutenu l'urgence de sa requête, se référant aux déclarations du président le 30 octobre. Evoquant la possible victoire de l'opposition prévue par des sondages, Nicolas Maduro avait alors affirmé: "nous défendrions la révolution, nous n'abandonnerions pas la révolution et la révolution passerait à une nouvelle étape".
Carlos Vecchio, poursuivi par la justice vénézuélienne pour "complot" et exilé aux Etats-Unis, veut attirer "l'attention au niveau international sur ce climat que crée Nicolas Maduro, pratiquement un appel à la violence en cas de victoire" de l'opposition, estime-t-il.
- Attaquer toute dissidence -
La requête dénonce des actes "systématiques, généralisés, de la part de l'Etat vénézuélien, de plusieurs institutions" visant à "attaquer" et affaiblir "toute source de dissidence ou de simple critique du gouvernement", a déclaré l'avocat de Leopoldo Lopez, Juan Carlos Gutiérrez.
Le rapport présenté à la CPI dénonce plus de 30 homicides présumés, 3.700 emprisonnements que l'opposition juge illégaux, près de 400 cas présumés de torture, 800 victimes de blessures ainsi que 2.000 procès contre des manifestants "pacifiques" depuis février 2014.
"Nous soulignons également qu'il est impossible que justice soit rendue au Venezuela", a assuré Carlos Vecchio, expliquant qu'il était contraint de s'adresser à un tribunal international parce que "le système judiciaire est devenu un outil du gouvernement pour persécuter" l'opposition, comme le prouvent selon lui les déclarations de l'ancien procureur Franklin Nieves.
En fuite aux Etats-Unis, Franklin Nieves avait dénoncé des pressions lors du procès de Leopoldo Lopez, purgeant une peine de près de 14 ans de prison pour "incitation à la violence" lors de manifestations en 2014 ayant fait 43 morts selon un bilan officiel.
Le parquet de la CPI, qui n'a pas le droit de commenter les requêtes présentées, prend habituellement selon Juan Carlos Gutiérrez trois à six mois pour décider de la suite qu'elle y donne.
Nicolas Maduro doit prononcer jeudi un discours devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, dont le Venezuela est l'un des 47 membres.
Il s'agit de la première plainte déposée par des opposants vénézuéliens. Mais d'autres requêtes ont été présentées contre le Venezuela devant la CPI, notamment celle de 200 parlementaires issus de huit pays latino-américains ayant aussi dénoncé des "crimes contre l'humanité".