La Syrie a replongé dans le conflit qui l'ensanglante depuis cinq ans, les Etats-Unis et la Russie s'accusant d'avoir fait voler en éclats la courte et fragile trêve des combats qui ravagent le pays.
Réunie à New York pour la grand messe de l'Assemblée générale de l'ONU, la communauté internationale assiste impuissante à l'échec de la diplomatie et à la reprise des violences.
Le ton est encore monté mardi soir entre les parrains américain et russe du processus syrien à propos d'une frappe aérienne lundi près d'Alep (nord) contre un convoi humanitaire, qui a provoqué un tollé international.
La Maison Blanche a affirmé qu'elle tenait "le gouvernement russe pour responsable" de ce bombardement, soulignant que seuls Moscou ou le régime syrien pouvaient en être à l'origine.
Plus précis dans ses accusations, un responsable américain anonyme a confié que selon "notre meilleure estimation (...) ce sont les Russes qui ont mené cette frappe" et que deux bombardiers russes SU-24 étaient sur la zone au même moment.
Environ 20 personnes, dont un responsable du Croissant-Rouge, ont trouvé la mort dans cette attaque, la plus meurtrière en Syrie contre un convoi humanitaire depuis 2011. Le raid a entraîné la suspension de l'acheminement par camions de l'aide de l'ONU qui avait à peine démarré.
L'opposition politique syrienne a aussi montré du doigt Moscou et son protégé, Damas.
- 'Protecteurs de terroristes' -
La diplomatie russe a aussitôt condamné "avec indignation et colère" des allégations "sans fondement et hâtives", faites par des "protecteurs de terroristes et de bandits".
Sur le théâtre de guerre, les violences ont repris de plus belle au lendemain de l'annonce par l'armée syrienne que le cessez-le-feu, péniblement imposé par Washington et Moscou il y une semaine, avait pris "fin".
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, au moins 27 barils explosifs, l'arme de prédilection du régime de Damas, ont été largués sur Alep mardi matin. Dans la ville et dans la province, au moins 39 civils ont été tués depuis lundi, selon l'ONG syrienne.
De fait, la trêve, fruit d'un énième accord américano-russe scellé à Genève le 9 septembre, a fait long feu, même si les dirigeants mondiaux réunis à l'ONU ont tenté de se convaincre du contraire et multiplié les déclarations d'intention.
Pour son ultime discours à la tribune des Nations unies, le président américain Barack Obama s'est borné à promettre de "poursuivre le difficile travail de la diplomatie" sur le conflit syrien. Il quittera le pouvoir le 20 janvier en ayant refusé pendant quatre ans toute intervention militaire d'envergure au Moyen-Orient.
Son homologue français François Hollande, qui comptait à l'été 2013 sur des frappes américano-françaises contre le régime du président Bachar al-Assad, avant que M. Obama se ravise, s'est exclamé devant l'ONU "ça suffit!".
- 'Faiblesse totale' -
Au même moment, un dirigeant de l'opposition syrienne, Riad Hijab, dénonçait à New York "la faiblesse totale" de la communauté internationale face à une guerre qui s'est internationalisée et complexifiée depuis mars 2011, avec plus de 300.000 morts, des millions de réfugiés, une crise humanitaire au Moyen-Orient et en Europe et une Syrie en partie détruite.
"Le cessez-le-feu n'est pas mort", a pourtant assuré le secrétaire d'Etat américain John Kerry après une réunion dans un palace new-yorkais du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), rassemblant depuis un an 23 pays et organisations internationales. Mais le GISS n'a fait aucune annonce après une heure de discussions "dans une ambiance dramatique et lourde", selon le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault.
M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov devraient se revoir cette semaine et le GISS se réunira de nouveau probablement vendredi, ont indiqué des diplomates.
La diplomatie américaine refuse de jeter l'éponge sur la Syrie, voulant à tout prix maintenir le dialogue avec Moscou pour trouver une porte de sortie diplomatique.
L'accord américano-russe de Genève prévoyait une cessation des hostilités pendant sept jours à compter du 12 septembre, de l'aide humanitaire et une collaboration militaire Washington-Moscou contre les jihadistes via un centre de coordination.
Le document de Genève stipulait aussi que l'aviation syrienne serait clouée au sol pour ne plus aller bombarder l'opposition et les civils.
Mais cette fragile entente américano-russe avait déjà été sérieusement mise à mal samedi par une terrible bavure de la coalition militaire conduite par les Etats-Unis: des frappes contre l'armée syrienne avaient tué 90 personnes dans la région de Deir Ezzor (est).
Une erreur, s'était défendu Washington, qui croyait viser le groupe Etat islamique. Un acte "délibéré", avait répliqué Damas.