Un calme précaire régnait mercredi à Charlotte, au sud-est des Etats-Unis, après de violents affrontements entre forces de l'ordre et manifestants qui protestaient contre la mort d'un homme noir, abattu par un policier.
Des dizaines de personnes demeuraient rassemblées en milieu de journée sur le lieu du décès de Keith Lamont Scott, 43 ans, convaincues qu'il a été victime d'une bavure flagrante. Parmi elles se trouvaient des responsables religieux, des militants associatifs et des voisins.
Selon la police, M. Scott a été mortellement blessé par balle alors qu'il refusait de lâcher son arme de poing. Ses proches affirment au contraire qu'il n'avait qu'un livre en main.
L'arme "est un mensonge", assurait à l'AFP Taheshia Williams, une résidente du quartier, dont la fille étudie dans la même école que l'un des enfants de Scott.
"Ils ont enlevé le livre et l'ont remplacé par une arme. Cet homme était assis ici tous les jours, à attendre que son fils descende de l'autobus", ajoutait-elle.
La police a fait couler du "sang innocent", dénonçait également John Barnett, un militant des droits civiques. "Je sais qu'un homme attendait son fils à l'arrêt de bus et qu'il s'est retrouvé avec quatre balles dans la poitrine, cela je le sais".
La mort de Keith Lamont Scott, dans un contexte de récents faits similaires dans d'autres villes américaines, a poussé des habitants à se rassembler mardi soir à Charlotte. Ils ont brandi des pancartes affichant "Les vies des Noirs comptent" et ont scandé "Pas de justice, pas de paix".
- La ministre suit l'affaire -
Mais la manifestation d'abord pacifique a pris un tour "plus agressif" avec "des agitateurs", qui ont commencé par "endommager des voitures de police et lancer des pierres sur des agents", a rapporté le chef de la police de Charlotte-Mecklenburg, Kerr Putney.
Seize membres des forces de l'ordre ont été blessés, a-t-il indiqué dans une conférence de presse, ainsi qu'un nombre indéterminé de manifestants selon la presse locale.
La police, en tenue anti-émeute, a fait usage de gaz lacrymogène et un hypermarché Wal-Mart a été pillé au milieu de la nuit.
Le policier qui a abattu la victime a été identifié comme étant Brentley Vinson, un agent qui est lui-même noir. Il a été suspendu en attendant les résultats d'une enquête administrative. Il faisait partie d'un groupe de policiers mandatés pour arrêter un suspect.
Keith Lamont Scott, qui n'était pas la personne recherchée, était dans une voiture sur un parking d'immeuble. Les agents lui ont ordonné à plusieurs reprises de lâcher son arme, selon la police.
"En dépit de ces sommations orales, il est sorti de son véhicule une arme à la main. Et quand les policiers ont continué à hurler pour lui demander de la lâcher, il est sorti, représentant une menace pour les policiers", a relaté le chef de la police.
La maire de Charlotte, Jennifer Roberts, a appelé les habitants de la ville au calme. Cette affaire "mérite des réponses et une enquête complète va être menée", a-t-elle promis.
La ministre de la Justice, Loretta Lynch, a de son côté fait savoir mercredi que ses services étudiaient les informations relatives à la mort de Keith Lamont Scott.
- Abattu mains en l'air -
Les tensions raciales ont été ravivées aux Etats-Unis depuis deux ans par une succession de bavures et violences policières, souvent envers des hommes noirs non armés.
Encore cette semaine, la justice a ouvert une enquête après qu'un Noir non armé a été abattu par une policière blanche dans l'Oklahoma (sud), sous l'oeil des caméras de police.
Sur les vidéos, rendues publiques, on peut très distinctement voir un homme, Terence Crutcher, tenu en joue par les policiers, marcher jusqu'à son véhicule alors qu'il garde les mains en l'air.
M. Crutcher, qualifié de "sale type" par un policier à bord de l'hélicoptère, semble approcher ses mains de sa voiture. Il est alors abattu.
Chuck Jordan, le chef de la police de Tulsa, a reconnu que les images étaient "troublantes". Aucune arme n'a été retrouvée ni sur Crutcher, ni dans sa voiture, a-t-il précisé.
"Encore un Noir non armé tué dans une intervention de la police. Cela ne devrait pas être toléré. Il y a tellement de travail à effectuer", avait réagi mardi la démocrate Hillary Clinton.
Ces violences sont "dramatiques" a tweeté mercredi le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump, promettant de "faire à nouveau de l'Amérique un pays sûr".