Pour la première fois dans l’histoire de la justice pénale internationale, un accusé a été condamné le 27 septembre pour destruction de biens culturels et religieux. La veille, le monde entier avait assisté à un événement tout aussi historique : la signature d’un accord de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), un texte censé mettre fin à un demi-siècle de conflit armé.
Tout sourires et en chemises d’un blanc immaculé, les deux vedettes de la cérémonie, le président Juan Manual Santos et le chef des Farc, Rodrigo Londoño alias Timoleon Timochenko, se sont serré la main, acclamés par de nombreux dirigeants de la région, parmi lesquels le président cubain Raul Castro, dont le pays a abrité une partie des négociations ayant abouti à cet événement.
Les électeurs colombiens étaient appelés le dimanche 2 octobre à se prononcer par référendum sur cet accord, qui prévoit, entre autres, le désarmement des Farc et leur reconversion en mouvement politique légal.
Bien que l’accord ait été accueilli avec un grand soulagement en Colombie, les critiques ne manquent pas, visant notamment le président Santos accusé de pactiser avec « des criminels ». Des accusations qui irritent, entre autres personnes, le pape François. « D'une part, je dois dire que le président Santos a tout risqué pour la paix. Mais je dois aussi dire que j'en vois par ailleurs certains qui risquent tout pour continuer la guerre. Et cela blesse l'âme », a déclaré le souverain pontife dans une vidéo diffusée le vendredi 30 septembre à Bogota par la présidence colombienne. « Je promets qu'une fois que cet accord sera scellé par le référendum et par la reconnaissance internationale, j'irai en Colombie », a ajouté le chef de l’Eglise catholique.
A la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, a eu lieu le 27 septembre un autre événement historique avec un jugement sans précédent à plus d’un titre. Premier malien poursuivi par la CPI, première personne à comparaître devant la justice pénale internationale pour destruction de biens culturels et religieux, premier accusé de la Cour passé aux aveux, le djihadiste Ahmed Al Faqi Al Mahdi a été condamné à 9 ans de prison. Ce Touareg malien avait plaidé coupable de crime de guerre pour la destruction en 2012 de mausolées de Tombouctou.
Tout en admettant que « les crimes contre les biens sont généralement moins graves que les crimes contre les personnes », le juge président Raul Pangalangan a néanmoins rappelé que Tombouctou est « une ville emblématique, ayant une dimension mythique et un rôle spécial pour la diffusion de l’Islam dans la région ». Le magistrat a qualifié la destruction des mausolées de Tombouctou d’« acte de guerre, qui visait à abattre la population dans son âme ».
Le lendemain, 28 septembre, c’était un triste anniversaire en Guinée, en particulier pour les proches des personnes tuées il y a 7 ans à Conakry par les forces de sécurité. Six organisations internationales et guinéennes de défense des droits de l’Homme ont déploré, dans une déclaration commune, que la Guinée n’ait toujours pas rendu justice pour ces crimes perpétrés le 28 septembre 2009.
Ce jour - là, rappellent ces organisations, plus de 150 manifestants pacifiques avait été tués par les forces de défense et de sécurité et plus de 100 femmes avaient été violées. L'enquête, qui est menée par un pool de juges d’instruction guinéens, a été ouverte en février 2010 mais n’a toujours pas été bouclée, en dépit de quelques progrès au cours des derniers mois.
Dernière étape de ce tour d’horizon, la Tunisie, dont l’histoire récente rappelle que le silence imposé par les dictateurs à leurs sujets sert aussi à couvrir le pillage des fonds publics ensuite disséminés sur des comptes bancaires à l’étranger. Comment la Tunisie parviendra-t-elle à récupérer les biens mal acquis du clan Ben Ali ? C’est la question qu’Olfa Belhassine, correspondante de JusticeInfo à Tunis, a posée à Ruben Carranza, directeur des réparations au Centre International pour la justice transitionnelle (ICTJ). L’expert propose un certain nombre de démarches, dont celles-ci-après : « Il faudrait que la Tunisie développe ses capacités de traçabilité des comptes à l’étranger. Ensuite, il faudrait trouver le moyen d’exiger des familles proches du pouvoir de l’ex dictateur, qui ont profité largement du système, qu’ils divulguent l’adresse de leurs comptes. Enfin, pour pousser les pays européens à rendre l’argent mal acquis, il faut que la Tunisie appuie sa requête par son projet de réparation des victimes. Indemniser les préjudices du passé, en référence aux valeurs des droits, peut incarner un argument puissant afin de recouvrer l’argent de la dictature ».