État d'urgence, écoles fermées, contrôles renforcés: la France était samedi en état de choc, au lendemain des attentats les plus meurtriers de son histoire, qui ont fait au moins 128 morts et plus de 250 blessés, avec pour la première fois des actions kamikazes.
Huit assaillants sont morts, dont sept en se faisant exploser, dans cette série d'attaques perpétrées à Paris dans la salle de concerts du Bataclan, dans plusieurs rues du coeur de la capitale, et près du Stade de France.
Ces attaques n'avaient pas été revendiquées samedi matin, mais les soupçons se sont aussitôt portés vers la mouvance jihadiste: cette "terrible épreuve, (...) nous savons d'où elle vient, qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes", a lancé François Hollande. Des premiers témoignages de survivants font état d'assaillants ayant crié "Allah Akbar" ou ayant évoqué l'intervention de la France en Syrie.
"La guerre en plein Paris", titre Le Figaro de samedi. "Cette fois, c'est la guerre", renchérit Le Parisien, dix mois après une vague d'attentats à Paris, qui avaient suscité une réaction inédite avec des manifestations réunissant plusieurs millions de personnes en France.
Au Bataclan, théâtre de l'attaque la plus sanglante avec un bilan provisoire d'au moins 82 morts, "on entendait hurler, tout le monde essayait de fuir, les gens se piétinaient... C'était l'enfer", a relaté un témoin.
L'ampleur de cette tragédie a semé l'effroi dans la capitale, à peine plus de deux semaines avant la conférence sur le climat (COP21) au Bourget, au nord de Paris, où sont attendus des dizaines de chefs d'État et de gouvernement.
Au total, au moins 128 personnes ont été tuées, sans compter les huit assaillants, et plus de 250 blessées, dont 99 se trouvent "en urgence absolue" (état grave dont le pronostic vital peut être engagé), selon un nouveau bilan provisoire de source judiciaire.
Le parquet a ouvert une enquête pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste sur ces attaques, les plus meurtrières en Europe depuis les attentats islamistes de Madrid en mars 2004.
"La priorité, c'est d'identifier les corps, notamment ceux des terroristes, qui ont été pour la plupart pulvérisés lorsqu'ils se sont fait sauter", a expliqué une source policière à l'AFP. Sur le terrain, les équipes de la police technique et scientifique se sont mises dès vendredi soir au travail.
Aucune interpellation n'a été réalisée et les enquêteurs ne recherchent personne à ce stade.
Ils vont visionner "des heures d'images de vidéosurveillance pour déterminer les circonstances" des attentats, a souligné la source policière, ajoutant: "Une fois les terroristes identifiés, il s'agira de déterminer s'ils ont profité de complicités."
- 'Une boucherie' -
Quatre assaillants sont morts au Bataclan, dont trois en actionnant une ceinture d'explosifs, le dernier étant tué lors de l'assaut des forces de l'ordre. Trois kamikazes sont morts au Stade de France, et un autre boulevard Voltaire.
Au Bataclan, l'assaut des forces de l'ordre a été décidé "très vite parce qu'ils tuaient tout le monde", a confié une source proche de l'enquête.
"C'était sale dedans, une boucherie, des gens avec des balles dans la tête, des gens qui se sont fait tirer dessus alors qu'ils étaient à terre...", a témoigné samedi matin un policier ayant participé à l'assaut.
Le président Hollande s'est rendu dans la soirée au Bataclan, où il a affirmé que "le combat serait impitoyable" contre "la barbarie".
L'état d'urgence a été déclaré et l'Élysée a annoncé la mobilisation de "1.500 militaires supplémentaires" et le renforcement des contrôles aux frontières.
En tout, six attaques quasi simultanées ont été menées dans autant de sites, principalement dans les Xe et XIe arrondissements, avec de lourds bilans - toujours provisoires - en particulier rue de Charonne (au moins 19 morts) et rue Alibert (au moins 12 morts). Les "assassins" ont "balayé avec des mitraillettes plusieurs terrasses de café", a déclaré le préfet de police, Michel Cadot.
Au moins trois explosions ont retenti aux alentours du Stade de France vendredi vers 21H20 pendant que 80.000 personnes, dont François Hollande, assistaient au match amical de football France-Allemagne. Le public a été d'abord confiné, puis évacué à la fin du match.
- 'M. Tout-le-monde avec une Kalach' -
Au Bataclan, où avait lieu un concert de garage-rock, Pierre Janaszak, animateur radio et TV, rapporte avoir "clairement entendus (les assaillants) dire aux otages +c'est la faute de Hollande, c'est la faute de votre président, il n'a pas à intervenir en Syrie+".
Un autre survivant a dit d'un des assaillants qu'il ressemblait "à M. Tout-le-monde avec une Kalachnikov".
Un conseil des ministres exceptionnel s'est tenu à l'Élysée et le président de la République a réuni samedi à 09H00 un conseil de Défense.
Dans un mouvement d'unité nationale, les principaux partis ont annoncé la suspension de leur campagne en vue des élections régionales. En Île-de-France, les établissements scolaires et universitaires sont fermés samedi et les compétitions sportives suspendues ce week-end.
Les réactions de condamnation, unanimes, ont afflué du monde entier, où de nombreux monuments se sont parés des couleurs bleu-blanc-rouge en signe de solidarité.
Barack Obama a promis que les États-Unis allaient aider la France à "traduire les terroristes en justice". Le Kremlin a dénoncé des attaques "inhumaines", la chancelière allemande Angela Merkel s'est dite "choquée" et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a assuré qu'Israël était au "coude à coude" avec la France. Le président iranien Hassan Rohani, qui a reporté le voyage en Italie et en France qu'il devait effectuer à partir de samedi, a dénoncé des "crimes contre l'humanité".
Ces attentats surviennent alors que la France vit encore dans le traumatisme des attentats jihadistes de janvier contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo et un supermarché casher à Paris, qui avaient fait 17 morts et qui ont été suivis de plusieurs autres attaques ou tentatives.
Depuis janvier, le plan Vigipirate est à son niveau maximum en Île-de-France. Une mission de sécurité intérieure est assurée sur tout le territoire par l'armée.
La France participe depuis plus de deux ans à la coalition anti-État islamique en Irak et a commencé à mener des frappes en Syrie en octobre.