Cette infographie datant de 2016, nous avons plus récemment (2021) publié une nouvelle rubrique "Justice transitionnelle" contenant 4 courtes vidéos pédagogiques ainsi que notre propre définition et des articles recommandés.
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Définition
Dans les pays en transition (lorsque les sociétés sortent d'un conflit armé, d’une guerre civile ou d'un régime autoritaire), la justice transitionnelle* comprend un ensemble de mesures judiciaires et non judiciaires pour confronter, comprendre et réparer les lourds héritages en matière de violations des droits humains.
Ces mesures (poursuites pénales, commissions Vérité, programmes de réparations, travail de mémoire et divers processus de réformes institutionnelles) se basent sur les fondations du droit interne et international et placent les victimes au centre du processus.
Ainsi, en promouvant la justice, la reconnaissance et réparation des victimes et en encourageant la commémoration des violations passées, les sociétés divisées peuvent se reconstruire sur la base d’un Etat de droit démocratique et du respect des droits individuels et collectifs.
« La Justice transitionnelle est un élément à un moment déterminant de l’histoire d’un pays, d’un processus de transition politique. » [Louis Joinet]
[Sources : Wikipédia, ICTJ et Justice Info]
Le processus de justice transitionnelle : Les 4 piliers
A l’issue du conflit, d’une guerre civile ou lors d’un changement de régime, les 4 piliers de la justice transitionnelle (Louis Joinet est le juriste français qui les a établis) peuvent être mis en place :
- Recherche de la vérité
- Droit à la justice
- Mise en place de réparations auprès des victimes
- Garantie de non répétition dans un avenir réformé
De plus en plus, la justice transitionnelle prend également en compte les droits économiques, sociaux et culturels.
Objectif : paix et démocratie
Aboutir à une paix durable entre les communautés et établir ou rétablir la démocratie.
La priorité : le respect des droits de l’homme
1945 : à l’origine, les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo
A l’époque contemporaine, elle est liée au développement du droit de la guerre et de la justice pénale internationale, notamment lors des procès de Nuremberg et de Tokyo en 1945, qui ont jugé les crimes commis lors de la seconde guerre mondiale.
80-90 : de la suite dans les idées - En Europe Centrale, en Amérique Latine et en Afrique du Sud
A la fin des années 1980 et au début des années 1990, de nombreux gouvernements autoritaires (les régimes communistes en Europe centrale et orientale, les juntes militaires en Amérique latine, le régime d’apartheid en Afrique du Sud) cèdent la place à des démocraties dans des transitions négociées. Dans tous ces pays marqués par les violations des droits de l’homme, la question de la gestion du passé se pose avec acuité.
C’est dans ce contexte de société en transition que se formalisent les outils de la justice transitionnelle (commissions vérité, procès, réparations, réformes) faisant ainsi le pont entre des régimes oppressifs et des démocraties naissantes.
Cette approche est théorisée par la suite dans divers documents des Nations unies, en particulier, par le rapport du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, en 2004, sur Le rétablissement de l’Etat de droit et de l’administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit (S/2004/616).
2 EXEMPLES > Ex-Yougoslavie et Rwanda : la première génération des tribunaux pénaux internationaux
En 1993, sous pression de l’opinion publique et des ONG, le Conseil de sécurité de l’ONU crée le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), espérant ainsi empêcher de nouveaux crimes de guerre et crimes contre l’humanité et parallèlement châtier les auteurs des politiques de nettoyage ethnique mises en place (déportations des populations, emprisonnement dans des camps, meurtres, destruction des lieux de culte). Le succès du TPIY pendant les années de guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) est très relatif, puisque les massacres de Srebrenica interviennent en 1995. Mais une impulsion décisive a été donnée à la lutte contre l’impunité.
En 1994 l’ONU crée une deuxième cour internationale, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), afin de poursuivre en justice les planificateurs et les « cerveaux » du génocide après que 800 000 Tutsis aient été tués par le régime et les milices extrémistes Hutu : les interamwe.
En savoir + : « Rwanda : le TPIR montre que "l'impunité n'est pas une option" »
1 AUTRE EXEMPLE > Tunisie : après la dictature, une Commission vérité et dignité
Sous le régime autoritaire de Ben Ali, le système judiciaire était aux ordres du dictateur tandis que la corruption et le népotisme étaient généralisés, profitant au clan et à la famille du Président.
Après des semaines de manifestations en 2010 et 2011, le président Ben Ali quitte ses fonctions et se réfugie en Arabie Saoudite. En juin 2014, l’instance Vérité et Dignité (IVD) est créée.
La Commission a pour mandat de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et les crimes économiques depuis le 1er juillet 1955 et jusqu’au 24 décembre 2013. Mais la Commission, dont le travail est toujours en cours, se heurte à de nombreuses difficultés politiques, en particulier, sur le dossier de la criminalité économique.
En savoir + : « Tunisie : "La corruption a contaminé tout le corps du pays », selon le juge Ahmed Souab" »
Focus sur la Cour Pénale Internationale (CPI)
En 2016 :
- 23 affaires
- 27 suspects
- 9 citations à comparaître
- 4 verdicts
- 3 coupables
La Cour participe à une lutte mondiale visant à mettre un terme à l’impunité et s’emploie, au moyen de la justice internationale, à amener les auteurs des crimes à répondre de leurs actes et à contribuer à empêcher que ces crimes ne soient à nouveau perpétrés. En qualité de juridiction de dernier ressort, elle s’efforce de compléter les juridictions nationales et non de les remplacer. Régie par un traité international appelé le Statut de Rome, la CPI est la première juridiction pénale internationale permanente.
À ce jour, la Cour a été saisie de 23 affaires dont certaines comportaient plus d'un suspect.
Les juges de la CPI ont délivré 29 mandats d'arrêt. Grâce à la coopération des États, 8 personnes ont été détenues au quartier pénitentiaire de la CPI et ont comparu devant la Cour. 13 personnes sont toujours en liberté. Les charges portées contre 3 personnes ont été abandonnées suite à leur décès.
Les juges ont rendu 4 verdicts : 3 personnes ont été déclarées coupables et 1 personne a été acquittée.
[Source : CPI]
Paroles d’experts
L’ignorance n’a jamais libéré quelqu’un des chaînes du passé, la connaissance, si. [Pierre Hazan]
Depuis les années 1980, des dizaines de commissions vérité ont été créées. Certaines ont fait un travail remarquable, d’autres ont produit bien peu de vérité. Ce sont les hommes et les femmes qui font la valeur de ces institutions et qui se montrent – ou non – à la hauteur de leur mandat et des espérances de leur peuple.
J’aime cette formule de Antije Krog, qui était membre de la Commission vérité et réconciliation sud-africaine : « le mot "vérité" me dérange. Le mot "vérité" me fait fourcher la langue. J’hésite à l’utiliser. Je n’arrive pas à m’y habituer. Lorsque je le tape sur le clavier de l’ordinateur, il apparaît "vrtié" ou "vtérié". Je préfère le mot "mensonge". Le moment où le mensonge lève sa tête, je sens l’odeur du sang. Parce que c’est là qu’on s’approche le plus de la vérité ».
On oppose souvent la justice à la paix mais il n’y a jamais eu de paix durable sans justice ni de justice sans paix [François Sergent]
Débats et enjeux de la justice transitionnelle
Dans les sociétés en conflit ou en post-conflit, la justice transitionnelle est pratiquement toujours source d’intenses débats : la recherche de la justice et celle de paix sont-elles compatibles ? Jusqu’où faut-il sanctionner les auteurs des violations des droits de l’homme? Qui a droit à des réparations ? La justice transitionnelle n’est-elle pas instrumentalisée par un camp au détriment d’un autre ?
Ces débats sont récurrents et c’est heureux. Le plus important dans le processus de justice transitionnelle, c’est la qualité du débat au sein de la société. C’est ce débat sur des enjeux à la fois éthiques et politiques, concernant autant le passé que le futur, qui est le gage d’une démocratie en construction après des périodes de violence.
* Parfois dénommée « justice de transition » ou « justice en transition », le terme de justice transitionnelle apparaît pour la première fois en 1992 sous la plume de la juriste new-yorkaise Ruti Teitel. Le terme « justice transitionnelle » est souvent abrégé en JT ou TJ (« transitional justice ») en anglais.