Le gouvernement colombien et la guérilla des Farc mènent depuis exactement trois ans des pourparlers à Cuba, qui ont récemment franchi des étapes décisives vers la paix, mais plusieurs sujets épineux se présentent à l'heure d'aborder l'ultime ligne droite.
"La paix est arrivée!", exultait le 23 septembre la principale rébellion du pays peu avant une poignée de main historique à La Havane entre son chef Timoleon Jimenez, recherché pour terrorisme, et le président colombien Juan Manuel Santos.
Une vague d'espoir sans précédent déferlait alors sur la Colombie lorsque les deux hommes annonçaient, à la surprise générale, un accord sur le sort judiciaire des combattants, point crucial des négociations, et un délai maximum de six mois pour signer la paix après un demi-siècle de conflit.
"Nous avons avancé comme jamais", a salué jeudi le négociateur du gouvernement Humberto de La Calle, à l'occasion du troisième anniversaire de ce dialogue ouvert le 19 novembre 2012 à La Havane.
Tenus sans cessez-le feu sous la médiation de Cuba et de la Norvège, les pourparlers ont abouti à des accords sur des points importants : réforme rurale, lutte anti-drogue, participation des ex-guérilleros à la vie politique.
En parallèle, Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et gouvernement ont lancé un plan de déminage et formé une "Commission de la vérité" devant faire la lumière, probablement dès fin 2016, sur les exactions commises durant le conflit.
En signe de bonne volonté, les Farc ont annoncé suspendre les enlèvements contre rançon et l'achat d'armes, et observent depuis le 20 juillet un cessez-le-feu unilatéral, dans l'attente d'une trêve bilatérale promise par le président Santos d'ici fin 2015.
- Divergences persistantes -
Mais au Palais des Conventions de La Havane, l'euphorie de septembre semble déjà s'être estompée. Le négociateur en chef de la rébellion Ivan Marquez pointait récemment des "difficultés" susceptibles de mener à "un échec".
Ces dernières semaines, la guérilla a accusé les négociateurs du gouvernement de vouloir revenir sur l'accord sur le sort judiciaire des combattants, alors que Bogota affirme que certains points restent à définir. Début octobre, une équipe de juristes a été chargée de régler ce différend, pour pouvoir boucler d'ici la fin de l'année ce chapitre en discussions depuis plus de 15 mois.
En outre, avant même que le sujet soit officiellement abordé, les parties s'écharpent sur le mode de ratification d'un éventuel accord de paix final.
Le gouvernement reste ferme sur sa volonté de le valider par référendum. La guérilla refuse, craignant la portée de la réforme constitutionnelle devant encadrer ce référendum, qui prévoit notamment que le gouvernement puisse légiférer par décret pour faire appliquer l'accord.
"C'est comme si on avait cousu une pièce de tissu et qu'il ne manquait que les bords, ce qui requiert de la minutie parce que c'est très délicat", estime Ariel Avila, analyste de la Fondation Paix et Réconciliation interrogé par l'AFP.
- 'Un avenir meilleur?' -
Pour Jairo Libreros, professeur à l'Université Externado de Colombie, "le principal défi réside dans le volet sur la justice : déterminer combien d'années de prison doivent purger les guérilleros qui ont commis des atrocités".
Dans un entretien à la BBC jeudi, M. Santos a garanti qu'en cas de paix, le chef suprême des Farc Timoleon Jimenez, dit Timochenko, ne serait "pas extradé" vers les Etats-Unis, qui offrent 5 millions de dollars pour sa capture.
Si les désaccords actuels sont dépassés, un autre gros morceau restera à négocier : l'abandon des armes et son corolaire, la sécurité des ex-combattants des Farc après le conflit.
Avec la date butoir du 23 mars prochain en ligne de mire, il est clair pour les négociateurs que cette quatrième tentative de paix doit être la bonne. Pour enfin tourner la page d'un conflit ayant fait au moins 220.000 morts, des dizaines de milliers de disparus et six millions de déplacés.
"Oui, il est possible d'imaginer un pays tranquille et un avenir meilleur", assurait mercredi M. Marquez, appelant le gouvernement à "éviter des tempêtes majeures".
M. Santos, qui achèvera son second mandat en 2018, a également lancé un dialogue exploratoire avec l'Armée de libération nationale (ELN), seconde guérilla d'extrême gauche de Colombie.
Si la paix est signée entre Farc et gouvernement, les deux parties sont d'accord pour faire appel à une force internationale chargée de surveiller son application.