Leurs destins s’étaient croisés au gré de l’histoire tourmentée de leur pays. Tous deux anciens chefs de milices en Ituri, dans le nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), Germain Katanga et Thomas Lubanga ont été jugés et condamnés par la Cour pénale internationale (CPI), siégeant à La Haye, aux Pays-Bas. En décembre 2015, ils ont été transférés de La Haye pour purger le reste de leur peine dans une prison congolaise. Mais sitôt ramené dans la capitale de son pays, Katanga doit faire face à une procédure judiciaire qui traîne devant la justice nationale alors que Lubanga rêve déjà de se refaire une vie paisible comme agriculteur.
Après la CPI, c’est désormais la Haute Cour militaire à Kinshasa qui doit juger Germain Katanga. Coupable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien commandant des Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI) avait été condamné à 12 ans de prison par la Cour pénale internationale. Surnommé Simba (Le Lion, en swahili), il a contribué, selon le jugement, à détruire le village de Bogoro lors d’une attaque ayant fait environ 200 morts en 2003.
Le 18 janvier dernier, il devait sortir de prison grâce à une réduction de peine accordée par la CPI pour sa bonne conduite et les regrets exprimés à l’endroit des victimes. Mais celui qui avait par la suite été adoubé général à la faveur d’un accord avec le gouvernement, a été maintenu en détention ; il doit s’expliquer devant la justice militaire congolaise pour répondre de faits qui n’ont pas fait l’objet de la procédure devant la justice internationale. Il s’agit notamment de « participation à un mouvement insurrectionnel dans le but de mettre en péril les institutions de la République ou de porter atteinte à l’intégrité du territoire national » entre 2003 et 2005. Katanga est en outre accusé d’avoir occupé un dépôt d’armes de guerre et une partie importante du district de l’Ituri, notamment le territoire de Mungwalu ainsi que les villages situés le long du lac Albert, à la frontière avec l’Ouganda. Des faits prévus et punis par le Code pénal militaire congolais.
Le procès n’a pas pu démarrer le 11 novembre
Dans cette procédure nationale, il est poursuivi avec le général Goda Sukpa. Selon le procureur militaire, les deux hommes auraient par ailleurs planifié et organisé une attaque généralisée et systématique contre la population civile dans plusieurs villages de l’Ituri, en 2005.
Alors que la Haute Cour militaire a rejeté en juillet dernier la demande de remise en liberté provisoire de Germain Katanga, la procédure n’a pas avancé depuis lors. Selon le greffe, le procès n’a pas pu démarrer sur le fond le 11 novembre, comme initialement prévu, suite à l’absence de l’un des cinq juges du siège, qui se trouvait en mission. « Si un juge est absent, on ne siège pas. Sinon, on doit rouvrir le débat, donc faire le résumé de l’affaire en cause », explique le greffe, selon lequel le procès pourrait s’ouvrir en décembre.
Les explications du greffe ne convainquent toutefois pas la défense qui dénonce une violation des droits de son client. « La Cour a refusé d’accorder la liberté provisoire à mon client sous prétexte qu’il ne dispose pas d’un domicile fixe à Kinshasa et (que) par conséquent, il y a risque de fuir. C’est faux. Le général peut habiter dans un des camps militaires où il pourra être surveillé », réplique Maître Peter Ngomo. L’absence d’un juge, poursuit-il, ne doit pas justifier la non-tenue du procès. L’avocat propose que le premier président de la Cour nomme une autre juge.
Jouer le rôle de pacificateur
Pendant ce temps, Germain Katanga s’ennuie dans ce que les autres détenus appellent « l’aile VIP » de la prison centrale de Makala. Dans cette aile de privilégiés, il jouxte Thomas Lubanga, premier condamné de la CPI, qui devrait, selon les autorités judiciaires congolaises, recouvrer sa liberté l’année prochaine. Condamné à 14 ans de prison, l’ancien président de l’Union des patriotes congolais (UPC) a été jugé coupable d’avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes et de les avoir envoyés au front. Il avait cependant soutenu, tout au long de son procès, qu’il n’était que le chef politique de l’UPC, dont la branche militaire était dirigée par Floribert Kisambo.
Contrairement à Germain Katanga, Thomas Lubanga n’a pas maille à partir avec la justice de son pays. Certaines personnes en Ituri affirment d’ailleurs qu’il devrait être mis à contribution pour la poursuite du processus de pacification de la région. En janvier dernier, à la suite de la recrudescence de l’insécurité en Ituri, l’UPC, son ancien mouvement devenu parti politique aujourd’hui, n’avait pas caché qu’il désirait le revoir sur le terrain pour jouer le rôle de pacificateur. Lors d’un entretien avec le correspondant de JusticeInfo à la prison de Makala, l’ancien chef de milice a, pour sa part, indiqué qu’il envisageait, une fois libre, de se consacrer à l’agriculture et à l’élevage.