Un smartphone et une app peuvent-ils lutter contres les criminels de guerre ? Eyewitnesse, une app conçue par l’International Bar Association (IBA) essaie de combattre l’impunité avec ce nouvel outil technologique, fiable, gratuit et rigoureux. Il s’agit de documenter par des photos ou des vidéos des crimes de guerre présumés dont les victimes ont été témoins.
Wendy Bett, la directrice d’eyewitness, explique dans une interview à JusticeInfo.net les avantages de son projet : « les images prise par l’ eyeWitness app comportent le jour, la date et le lieu vérifiable par GPS, chaque image a un code qui permet de vérifier qu’elle n’a pas été altérée. Les utilisateurs peuvent stocker leurs images sur un serveur externe qui sert comme un coffre-fort off line et protège la chaine de la preuve pour les cas criminels ».
La haute technologie et le respect des procédures pénales au service de la loi.
Plusieurs pays ont ainsi montré cette semaine les difficultés à conduire des procédures rigoureuses. Ainsi au Burkina Faso, où les Burkinabé attendent toujours que justice soit rendue dans deux affaires majeures, l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et celui de l’ancien Président Thomas Sankara. Pour ces deux crimes, les suspects identifiés par plusieurs enquêtes sont l’ancien Président Blaise Compaoré déposé par la rue ou ses proches. Gaël Cogné, le correspondant de JusticeInfo.net à Ouagadougou écrit : « Reste enfin à savoir jusqu'où les nouvelles autorités peuvent pousser le dossier vu les liens de certaines d'entre elles avec le régime Compaoré. L'ONG International Crisis Group (ICG) pointait dans un rapport, début 2016, que « l'impunité et l'absence de justice, si elles se perpétuent, pourraient rapidement faire redescendre les Burkinabè dans la rue ». Or, les nouvelles autorités étant issues de l'ancien régime, certains dossiers judiciaires compromettants pour le nouveau pouvoir pourraient ne jamais aboutir ».
Procès du capitaine Sanogo au Mali
Au Mali aussi, un espoir de justice a parcouru le pays avec le procès ouvert fin novembre du capitaine Amadou Haya Sanogo auteur d’un coup d’état en 2012 et accusé d’avoir fait tuer 21 militaires qui s’opposaient à son action. Mamadou Ben Chérif Diabaté correspondant de JusticeInfo.net à Bamako, explique l’importance de ce procès malgré un début difficile et des reports : « Trop longtemps, des hommes comme Sanogo ont été considérés au Mali comme intouchables et au-dessus de l’état de droit ».
Et d’ajouter : « Déjà engagés dans un difficile processus de réconciliation, les Maliens s’attendent donc à ce que le procès Sanogo marque le début de la lutte contre l’impunité à travers une justice exemplaire, impartiale et indépendante, quels que soient la nature et la gravité des crimes, l’identité de leurs auteurs, la région où le contexte dans lesquels ils ont été commis ».
Preuve de l’importance cardinale des processus de justice transitionnelle dans des pays vivant de difficiles transitions.
Tunisie à l'épreuve des auditions publiques
Ainsi la Tunisie poursuit les audiences publiques des victimes devant l’Instance Vérité et Dignité, analysées par Kora Andrieu, une des meilleures expertes de la justice transitionnelle. Kora Andrieu explique à la correspondante en Tunisie de JusticeInfo.net, Olfa Belhassine : « les audiences constituent un moment fondamental dans la reconstitution d’une mémoire collective en période de transition. C’est une pause, un moment solennel, quasi rituel, de reconnaissance, d’écoute et d’introspection, tant au niveau individuel que national ». Et d’ajouter : « la Tunisie n’est pas l’exception : dans la plupart des contextes, la mise en place d’une commission vérité est un pari douloureux, dangereux, qui dérange, et qui divise parfois – en tout cas dans l’immédiat. Tout le monde ne souhaite pas la vérité, les prismes subjectifs à travers chacun voit la réalité sont souvent trop profonds, indépassables en apparence. Toute l’habilité de l’IVD sera justement de faire droit à cette diversité des vues et des opinions sans chercher à imposer une vision unilatérale du passé, et en laissant le travail d’interprétation aux chercheurs et aux historiens ».
Cette question de lecture du passé et de clôture peuvent-elles jamais trouver leur résolution lorsqu’il s’agit de génocide et de crimes contre l’humanité. La question se pose après la libération anticipée de deux criminels de guerre condamnés respectivement à 30 ans et 23 ans d’emprisonnement par le Tribunal Pénal International pour leur Rwanda (TPIR) pour leur rôle dans le génocide de 1994, l’universitaire Ferdinand Nahimana un des créateurs de la sinistre « Radio-télévision libre des mille collines » et l’Abbé Emmanuel Rukundo un ex aumônier militaire qui avait notamment concouru au massacre de Tutsis qui avaient cherché refuge dans des institutions religieuses. Justifiées en droit par les magistrats qui s’inspirent des procédures du Tribunal International sur l’Ex-Yougoslavie (TPIY), ces décisions de libération, sont toutefois critiquées par le gouvernement rwandais, écrit JusticeInfo, selon lequel : « Ces remises de peines minimisent le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 ».