Yahya Jammeh, qui a dirigé la Gambie 22 ans et conteste sa défaite à l'élection présidentielle du 1er décembre, a affirmé qu'il ne quitterait pas le pouvoir avant une décision de la justice sur sa demande d'annuler le scrutin, dans une déclaration télévisée mardi soir.
"Je ne partirai pas" tant que la justice n'aura pas tranché, la Cédéao "essaie de me pousser dehors, cela n'arrivera pas", a affirmé M. Jammeh en assurant que l'investiture d'Adama Barrow, déclaré vainqueur du scrutin du 1er décembre, n'aurait pas lieu le 19 janvier comme le préconise cette organisation régionale Cédéao, qui le presse de quitter le pouvoir.
M. Jammeh s'exprimait lors d'une rencontre avec des délégués de la Fédération des barreaux africains diffusée par la télévision publique gambienne tard mardi soir, et dont l'AFP a visionné un enregistrement mercredi.
Il est longuement revenu sur sa décision initiale de reconnaître, dès le 2 décembre, la victoire d'Adama Barrow, qu'il avait appelé devant les caméras pour le féliciter, puis son revirement une semaine plus tard, le 9 décembre, en dénonçant notamment des erreurs commises par la Commission électorale indépendante (IEC) et des intimidations de ses partisans.
Le 13 décembre, son parti a saisi la Cour suprême pour demander l'annulation des résultats accordant la victoire à l'opposant Adama Barrow avec quelque 19.000 voix d'écart sur lui. Un recours introduit le jour même où la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays) a dépêché à Banjul une mission de quatre chefs d'Etat pour le convaincre de céder le pouvoir, sans succès.
La situation en Gambie a de nouveau dominé le sommet de la Cédéao tenu le 17 décembre à Abuja, à l'issue duquel l'organisation a redemandé à Yahya Jammeh de reconnaître les résultats du scrutin et de ne pas compromettre un transfert pacifique du pouvoir à Adama Barrow.
Lors de ce sommet, les dirigeants ouest-africains ont aussi décidé de "garantir la sécurité et la protection" d'Adama Barrow et de se rendre à Banjul pour son investiture le 19 janvier, à l'expiration du mandat de Yahya Jammeh, "conformément aux dispositions de la Constitution gambienne".
"La délégation de la Cédéao est venue ici, et je lui ai expliqué" la situation, "documents" à l'appui, a affirmé Yahya Jammeh, dans ses habituels boubou, écharpe et chéchia blancs mais les traits visiblement plus tirés que lors de ses précédentes apparitions publiques.
A Abuja, a-t-il poursuivi, "ils ont dit à mon représentant que +Jammeh doit partir+ et que le 19 janvier, tous les chefs d'Etat de la Cédéao seront à Banjul pour assister à l'investiture du président élu", ce qui est selon lui une violation des textes de l'organisation sur la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses Etats membres.
"Et la Cédéao essaie de me pousser dehors. Cela n'arrivera pas. Tant que la Cour n'aura pas rendu sa décision sur cette affaire, il n'y aura pas d'investiture le 19 janvier. Et nous verrons ce que la Cédéao et les grandes puissances derrière elle pourront faire", a-t-il soutenu.
"Je ne serai intimidé par aucune puissance dans ce monde. Je veux m'assurer que justice soit rendue", a-t-il encore dit, estimant que la seule manière pour ce faire "est d'organiser de nouveau une élection, afin que chaque Gambien vote. Et c'est la seule manière de résoudre cette affaire pacifiquement et équitablement".