Le régime syrien a repris le contrôle total d'Alep, deuxième ville du pays, remportant sa plus grande victoire face aux rebelles depuis le début de la guerre en 2011.
Cette annonce par l'armée syrienne est intervenue jeudi au terme d'une opération d'évacuation de dizaines de milliers de civils et rebelles, conduits en territoire rebelle hors de la métropole.
"Le commandement général des forces armées annonce le retour de la sécurité à Alep après sa libération du terrorisme et des terroristes et la sortie de ceux (...) qui y restaient", a annoncé un général à la télévision d'Etat syrienne, lisant un communiqué de l'armée. "Cette victoire représente un tournant stratégique (...) dans la guerre contre le terrorisme".
Pour la rébellion armée s'opposant au régime du président Bachar al-Assad, la perte d'Alep représente un revers cinglant.
"Sur le plan politique, c'est une grande perte", a reconnu Yasser al-Youssef, un responsable du groupe rebelle Nourredine al-Zinki. "Pour la révolution, c'est une période de recul et un tournant difficile".
"Alep est maintenant sous l'occupation de la Russie et de l'Iran", a dénoncé un responsable du puissant groupe islamiste rebelle Ahrar al-Cham, Ahmad Qorra Ali, évoquant les deux puissants alliés du régime sans qui la victoire n'aurait pas été possible.
Aussitôt après l'annonce, des tirs de célébration ont éclaté et des milliers de personnes ont envahi les rues dans les quartiers Ouest tenus par le régime depuis 2012, selon le correspondant de l'AFP à Alep.
"Notre joie est immense. La vie est revenue à Alep aujourd'hui", a lancé l'avocat Omar Halli, qui attend "la victoire pour toute la Syrie".
Certains brandissaient des portraits du président Assad ou encore des drapeaux syriens ou russes. Des cortèges de voitures défilaient, les conducteurs klaxonnant sans interruption pour exprimer leur joie.
L'armée syrienne est entrée dans la dernière poche rebelle, menant des opérations de ratissage et de déminage, selon la télévision d'Etat.
- Evacuation massive -
Lancée le 15 décembre en vertu d'un accord entre l'Iran, la Russie et la Turquie alliée de la rébellion, l'opération d'évacuation a permis de faire sortir d'Alep plus de 34.000 civils et rebelles, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Avec la reconquête totale de la cité, le régime contrôle désormais les cinq principales villes de Syrie: Alep, Homs, Hama, Damas et Lattaquié.
La reprise d'Alep est aussi une victoire pour la Russie, qui intervient militairement en Syrie depuis septembre 2015, et l'Iran.
Elle constitue une défaite pour les alliés de l'opposition - monarchies du Golfe, Turquie et pays occidentaux - qui voyaient dans les rebelles une alternative au régime en place depuis un demi-siècle.
En raison de l'antagonisme entre la Russie et les Occidentaux, Etats-Unis en tête, la communauté internationale s'est retrouvée paralysée face au drame humanitaire.
Restée en retrait du mouvement de contestation contre le régime lancé en mars 2011, la seconde ville de Syrie avait plongé dans la guerre civile en juillet 2012. Lors d'une offensive surprise, les rebelles s'étaient emparé de plus de la moitié de la cité, boutant l'armée hors des quartiers Est et du centre historique.
Divisée depuis cette date, Alep, une des plus anciennes villes au monde, était devenue le principal front du conflit syrien, qui a fait plus de 310.000 morts en cinq ans et provoqué le déplacement de plus de la moitié des Syriens.
- Quartiers rebelles en ruines -
Avec l'appui de l'aviation russe, l'armée syrienne avait mené ces derniers mois offensive après offensive pour reprendre les quartiers Est. C'est la dernière en date, lancée le 15 novembre, qui a brisé les défenses rebelles, incapables de résister à la puissance de feu terrestre et aérienne déployée par Damas et ses alliés étrangers (Hezbollah, milices iraniennes et irakiennes, Russie).
Les quartiers d’Alep-Est ont été presque rasés par les bombardements aériens des derniers mois, rappelant les destructions de villes comme Berlin en 1945, Guernica (Espagne) ou encore Grozny (Tchétchénie).
En quatre semaines, du 15 novembre au 15 décembre, l'opération militaire a tué plus de 465 civils, dont 62 enfants, à Alep-Est, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), tandis que 142 civils, dont 42 enfants, ont été tués par des tirs rebelles dans l'ouest de la ville.
Outre les bombardements, la population d’Alep-Est, estimée avant l’offensive à 250.000 personnes, subissait un siège asphyxiant depuis le 17 juillet, souffrant d’une pénurie quasi totale de nourriture, de médicaments et de carburant.
Pour le géographe Fabrice Balanche, du Washington Institute, il était "difficile" pour le président Assad "de présider aux destinées de la Syrie sans tenir la seconde ville du pays". "Avec sa victoire, il peut se présenter comme le président de toute la Syrie".
La reconquête d’Alep permet au régime de se lancer dans la conquête d'autres provinces lui échappant encore, comme Idleb (nord-ouest), voisine d’Alep, qui est aux mains d’une coalition entre rebelles et jihadistes. C'est là qu'une grande partie des évacués d'Alep ont été conduits.
Alors que l'armée turque combat le groupe Etat islamique (EI) au prix de lourdes pertes dans le nord de la Syrie, les jihadistes ont diffusé jeudi une vidéo, signée de la "Province d'Alep" de l'EI, montrant deux hommes présentés comme des soldats turcs être brûlés vifs. Leur bourreau y appelle à "semer la destruction" en Turquie, qui mène depuis l'été une offensive visant l'EI et des milices kurdes.