Echec du renseignement intérieur, procédures d'asile en cause, blocages bureaucratiques : Angela Merkel a promis vendredi de revoir tout le dispositif de sécurité en Allemagne après l'attentat de Berlin, qui a mis de multiples failles en évidence.
Après la mort à Milan de l'auteur présumé de l'attentat sur le marché de Noël (12 morts), Anis Amri, connu depuis des mois des autorités pour sa dangerosité, la chancelière allemande a annoncé que "tous les aspects" de l'affaire seraient passés au crible.
"Nous allons à présent examiner de manière intensive ce qui doit être changé dans l'arsenal des mesures dont dispose l'Etat" allemand, a-t-elle ajouté pour répondre aux critiques visant l'administration à tous les niveaux.
Le ministre de la Justice, Heiko Maas, a parlé de décisions "très rapidement en janvier" en vue de déterminer d'une part "comment mieux surveiller les personnes dangereuses" et d'autre part comment "expulser le plus vite possible" les immigrés ne disposant plus du droit de séjour.
Le suspect tunisien de 24 ans de l'attaque au camion-bélier, Anis Amri, était en effet à la fois connu de la police pour sa radicalisation islamiste, en même temps qu'un demandeur d'asile débouté et donc en principe susceptible d'être expulsé depuis plusieurs mois.
- 'Echec de l'Etat' -
Les dysfonctionnements apparus avec cette affaire suscitent la colère.
"Les informations que nous avons sur la manière dont les autorités ont travaillé sont choquantes", a dénoncé un des responsables du parti conservateur de la chancelière, Armin Laschet. "Ce n'est pas comme ça que nous allons garantir la sécurité de l'Allemagne".
Au centre de la controverse : les ratés du renseignement intérieur, éclaté dans un pays fier de son fédéralisme entre de multiples instances régionales.
Entre son arrivée en Allemagne en juillet 2015 et l'attentat lundi, Anis Amri a joué au chat et à la souris avec les différentes administrations en circulant d'une région à l'autre et en se faisant enregistrer sous différentes identités.
La police de Rhénanie du Nord-Westphalie, dans l'ouest du pays, où il a séjourné un temps, le considérait comme très dangereux et prêt à préparer un attentat islamiste.
Mais son dossier a fini par être transféré à une autre juridiction, à Berlin, où l'homme s'était entretemps installé.
Là, la justice a clos le dossier en septembre après plus de six mois d'une surveillance infructueuse : "une erreur capitale", a tempêté vendredi l'expert de la famille politique d'Angela Merkel pour les questions de sécurité intérieure, Stephan Mayer. "Il aurait fallu bien sûr maintenir la surveillance compte tenu de sa dangerosité", a-t-il dit.
Aujourd'hui, les autorités de Berlin et de Rhénanie se renvoient la responsabilité du fiasco, qui illustre les limites du modèle fédéral allemand.
- 'Cauchemar' pour Merkel -
L'affaire met aussi en lumière les problèmes liés à la procédure d'asile. L'auteur présumé de l'attentat avait en effet été débouté de sa demande en juin par les autorités de Rhénanie, ces questions relevant des régions dans le pays.
Mais il a pu rester car il n'avait pas de documents d'identité en règle, la Tunisie niant plusieurs mois durant qu'il soit l'un de ses ressortissants, pour ne reconnaître qu'il était tunisien que mercredi, deux jours après l'attentat.
Dès lors, des responsables politiques en Allemagne réclament le renvoi plus rapide des personnes déboutées. Angela Merkel a téléphoné vendredi au président tunisien pour demander d'"accélérer" les expulsions des citoyens concernés de ce pays.
La controverse née de l'attaque au camion-bélier vient fragiliser un peu plus la chancelière à neuf mois des élections législatives au cours desquelles elle briguera un nouveau mandat, alors qu'elle doit déjà faire face aux critiques pour avoir ouvert les portes de son pays à près d'un million de réfugié en 2015 et à 300.000 autres en 2016.
"L'attentat est aussi un cauchemar pour Angela Merkel" qui voit ses chances de réélection "diminuer", jugeait cette semaine le magazine Der Spiegel.