Alors que la trêve entre régime et rebelles en Syrie est toujours globalement respectée, la Russie, à l'origine de ce cessez-le-feu avec la Turquie, espère obtenir le soutien samedi du Conseil de sécurité de l'ONU, via une résolution "à l'unanimité".
L'ambassadeur russe aux Nations Unies, Vitali Tchourkine, a indiqué avoir soumis vendredi "un bref projet (de résolution) pour entériner" le plan russo-turc prévoyant une cessation des hostilités et des négociations de paix à Astana (Kazakhstan) "fin janvier".
"Nous espérons pouvoir l'adopter à l'unanimité demain (samedi) matin", a insisté M. Tchourkine, optimiste, en espérant que "l'ONU sera pleinement impliquée dans la préparation d'Astana".
Il "n'y a ni concurrence ni double emploi" entre ces pourparlers d'Astana et ceux que le médiateur onusien Staffan de Mistura a convoqués pour le 8 février à Genève entre le régime et l'opposition, a plaidé l'ambassadeur russe à l'ONU.
Examiné lors de consultations à huis clos vendredi matin au Conseil de sécurité, ce projet de résolution a déjà été amendé par la Russie, mais certains diplomates restaient sceptiques sur la possibilité de passer au vote dès samedi matin comme le souhaiterait Moscou.
"Nous avons besoin de temps, il faut l'examiner soigneusement", a ainsi souligné un diplomate occidental au sujet de ce projet de résolution détaillé dans des documents de plusieurs dizaines de pages.
- 'Questions sans réponses' -
Il y a encore "beaucoup de questions sans réponse", a noté un autre diplomate, selon qui "les Russes veulent pousser leur avantage", même si ils n'auraient pas nécessairement les neuf voix, sur 15 pays membres, nécessaires à une adoption. Selon lui, vendredi, seuls le Venezuela et la Chine s'étaient dits prêts à passer au vote.
Depuis le début du conflit, plusieurs trêves négociées par Washington et Moscou, capitales souvent en désaccord sur la Syrie, ont rapidement volé en éclats.
Mais cette fois-ci les Etats-Unis, soutiens des rebelles, ont été écartés des discussions en attendant l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier. En revanche, c'est la première fois que la Turquie, qui appuie aussi les rebelles, parraine pareil accord.
"Il y a un réel intérêt et une urgence, au moins pour la Russie et la Turquie en particulier, à profiter de l'élan provoqué par l'évacuation d'Alep et capitaliser sur leur propre rapprochement", note Sam Heller, chercheur au Century Foundation, pour qui "l'Iran et le régime seraient eux plutôt favorables à une solution militaire".
Cette trêve globale entrée en vigueur jeudi à minuit (22h00 GMT), la première depuis septembre, est censée ouvrir la voie à des négociations de paix au Kazakhstan sous l'égide de Moscou, Téhéran et Ankara, pour tenter de mettre fin à une guerre qui a fait plus de 310.000 morts et des millions de réfugiés depuis 2011.
Les groupes jihadistes Fateh al-Cham (ex-branche syrienne d'Al-Qaïda) et Etat islamique (EI), dont le chef, Abou Bakr al-Baghdadi, serait toujours bien vivant, selon le Pentagone vendredi, sont eux toujours exclus de ce cessez-le-feu.
Paradoxalement, plusieurs des 13 groupes rebelles envers qui s'applique ce cessez-le-feu combattent au côté de Fateh al-Cham.
Ces treize groupes rebelles comptent 60.000 combattants au total, a précisé M. Tchourkine vendredi.
Si officiellement les combats ont cessé en Syrie, des combats sporadiques se poursuivent un peu partout à travers la Syrie.
A 15 km au nord-ouest de Damas, des affrontements ont ainsi eu lieu entre régime et rebelles dans la région de Wadi Barada, l'une des principales sources d'approvisionnement en eau potable de la capitale, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
- 'Tout le monde est fatigué' -
Ce secteur de Wadi Barada est important car c'est là que, selon le régime, les rebelles auraient "contaminé au diesel" un réseau d'eau. Les pénuries d'eau frappant quatre millions d'habitants de Damas et ses environs sont le fait du régime et de son incurie rétorquent les rebelles.
Sur le front de la province centrale de Hama, le régime a mené 16 raids aériens contre des secteurs contrôlés par des rebelles, a poursuivi l'OSDH.
Dans la province d'Idleb (nord-ouest), contrôlée principalement par Fateh al-Cham et les groupes rebelles qui lui sont alliés, le calme prévalait par contre.
"Je soutiens la trêve et j'espère qu'elle va durer", dit Ahmed Astify, 31 ans. "Tout le monde, que ce soit les rebelles ou les habitants, est fatigué".
"Nous espérons que cela mènera à la fin de la guerre", a renchéri Mohammed, 28 ans: "Après près de six ans de guerre, tous ont conclu qu'il ne pouvait y avoir de solution militaire".
Dans la Ghouta orientale et à Idleb, des dizaines de personnes ont profité du calme pour manifester contre le régime et appeler au départ de M. Assad, toujours selon l'OSDH.
C'est la répression dans le sang de telles manifestations à large échelle réclamant des réformes démocratiques qui avait déclenché le conflit en mars 2011. Ce conflit s'était ensuite complexifié et le pays s'était totalement fracturé avec l'implication des jihadistes et l'intervention des puissances régionales et internationales.