Dans les studios de Radio Burkina, c’est l’effervescence. Les portes claquent. Les journalistes donnent de la voix pour se faire entendre dans ce tumulte. Galip Somé, le rédacteur en chef adjoint, fait les cent pas. Comme tous ses collègues, ce fringuant trentenaire peine à contenir son émotion. Il s’apprête à vivre ses premières élections libres, après des décennies de pouvoir autoritaire: «Le personnel est extrêmement motivé. Nous sommes tous arrivés au bureau à 4 heures du matin. C’est la première fois que je constate un tel engouement.»
Galip Somé est suspendu à son téléphone qui ne cesse jamais de sonner. A l’autre bout du fil, l’un des correspondants de la RTB Radio déployés en province. «Tu as pu t’arranger pour savoir où va voter Ablassé Ouedraogo ? (ndlr : le leader du parti Le Faso Autrement est l’un des 14 candidats à la présidentielle) Vous intervenez à 13 heures. Faites en sorte d’avoir sa déclaration à la sortie du bureau de vote.»
Dans la salle de rédaction, les journalistes rassemblent les dernières informations et organisent les interventions des 77 correspondants et envoyés spéciaux de la radio. Le président de la Transition, Michel Kafando, vient de voter dans la capitale, Ouagadougou. D’autres personnalités doivent lui succéder. Les votes des 14 candidats en lice pour la présidentielle sont tout particulièrement attendus. Les deux favoris sont talonnés par une cohorte de journalistes : Zéphirin Diabré, l’ancien chef de file de l’opposition, et Roch Marc Christian Kaboré, plusieurs fois ministres et chef de gouvernement, avant de claquer la porte du régime Compaoré en 2014, quelques mois avant l’insurrection. «On passe notre temps au téléphone pour savoir où ils vont voter. Certains des candidats changent leur programme à la dernière minute, se désole Galip Somé.
Couleurs nationales
Les équipes sont en mouvement autour des bureaux de vote. Ils sillonnent le pays afin d’offrir une couverture la plus exhaustive possible aux auditeurs de Radio Burkina. «On doit pouvoir les joindre à n’importe quel moment. Ce matin, l’une de nos journalistes est restée inatteignable pendant une heure, elle avait oublié que son téléphone était sur silencieux. On a dû annuler son intervention. Elle n’a pas cessé de nous rappeler ensuite, elle était au bord des larmes», témoigne le jeune rédacteur en chef adjoint.
L’engouement est perceptible chez le personnel de la RTB radio. Nombre de journalistes sont vêtus d’un t-shirt aux couleurs nationales, confectionné pour l’occasion par la chaîne. «C’est la première fois que je les vois s’afficher avec les couleurs nationales. On sent un certain enthousiasme, une ferveur. Ces journalistes semblent s’être libérés de la pression politique en comparaison avec les précédentes élections au cours desquelles le pouvoir Compaoré se positionnait en juge et partie. Cela est remarquable, surtout dans un média d’Etat», analyse l’universitaire Albert Ouédraogo, invité pour un débat sur les élections.
En studio, les échanges sont modérés par Mahamadi Kounkorgo. Ce jeune journaliste n’hésite pas à interrompre le débat pour faire intervenir les correspondants de la chaîne. De premiers petits couacs sont signalés en province. «L’un de nos correspondants nous a appelé pour nous prévenir qu’il manquait de bulletins de vote pour les législatives dans un bureau, on a donc décidé de le prendre immédiatement en direct, témoigne le journaliste. Il nous a expliqué que beaucoup de monde attendait devant le bureau pour voter. Et que les gens étaient prêts à attendre jusqu’à ce que de nouveaux bulletins soient acheminés. On sent que la population est déterminée à aller voter.»
Dans les couloirs, le directeur, Evariste Combary, se déplace pour soutenir et encourager le personnel. Il exige de tous une vigilance renforcée et beaucoup de professionnalisme : «Nous sommes les yeux et les oreilles des auditeurs. Nous devons être attentifs à tous les détails. Il y a beaucoup de radios qui nous ont devancées en jouant sur l’instantanéité. Mais nous demeurons la radio de référence en terme de crédibilité. Et cela implique beaucoup de responsabilités. C’est un défi que nous sommes obligés de relever, pour le bien de la population».