Opération Turquoise au Rwanda: des mises en examen d'officiers français réclamées

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Des associations parties civiles dans l'enquête à Paris sur l'opération Turquoise ont demandé la mise en examen pour complicité de génocide de militaires français intervenus au Rwanda en 1994, a appris mardi l'AFP de source proche de l'enquête.

Elles accusent ces militaires d'avoir abandonné aux massacres des centaines de civils tutsi sur les collines de Bisesero, fin juin 1994.

L'enquête a été lancée en 2005 après une plainte de rescapés, qui reprochent aux militaires de s'être présentés le 27 juin 1994, d'avoir promis aux Tutsi de revenir pour ne le faire que le 30 juin. Pendant ces trois jours, des centaines de personnes ont été massacrées par les milices hutu.

Les juges enquêtent sur ce que savait la hiérarchie militaire, alors que l'opération Turquoise, sous mandat de l'ONU, avait démarré le 22 juin.

Le lieutenant-colonel Jean-Rémy Duval, témoin assisté, a assuré avoir effectué une reconnaissance le 27 avec une douzaine d'hommes puis avoir relayé ses craintes, à son retour à la base, par téléphone puis par fax.

"Je rends compte à (Jacques) Rosier" (son supérieur) "de ce qu'on a vu (...) Je lui demande l'autorisation d'y retourner le lendemain matin avec un effectif supérieur (...) Il me répond non", a-t-il affirmé, dans une audition de 2013, selon une source proche de l'enquête.

Le contenu du fax, repris dans plusieurs notes et comptes rendus militaires de l'époque, est sans appel: "Nous avons rencontré une centaine de Tutsi... Ils seraient 2000 cachés dans les bois... Ils sont dans un état de dénuement nutritionnel, sanitaire et médical extrême... Ils espéraient notre protection immédiate".

Entendu comme témoin assisté en juillet, Jacques Rosier assure qu'il n'a "pas le souvenir de ce compte rendu".

Mais les juges ont montré au colonel Rosier une vidéo du 28 juin 1994 et visionnée par l'AFP. Un de ses sous-officiers lui fait état de blessés découverts "+hier dans le patelin+, dont certains avaient la chair qui pendait".

"Je vois que je ne percute pas car vraisemblablement je ne comprends pas ce qu'il me raconte (...) il faut savoir que j'étais sous pression", tente de se défendre le militaire. "C'est vrai qu'en revoyant aujourd'hui cette scène, il me paraît incroyable de ne pas avoir réagi à l'information donnée", ajoute-t-il.

Pour les associations Survie, FIDH et LDH, "de nombreux documents de la procédure" montrent que "la hiérarchie militaire avait connaissance, dès le 27 juin 1994", des massacres "et qu'aucune mesure n'a été prise pour intervenir et y mettre un terme".

Elle demandent des mises en examen pour complicité de génocide de Jacques Rosier et d'un autre officier, alors présent dans le secteur.