Un premier bataillon des Forces armées centrafricaines (FACA) réformées pourrait être opérationnel dans moins de deux mois et commencer à participer à la sécurisation du pays, aux côtés de la force des Nations unies. Ce bataillon, qui suit actuellement une formation dispensée par des instructeurs militaires européens, se devra d’être sans reproche pour mériter la confiance des Centrafricains qui sont impatients de voir leur sécurité assurée par leurs fils et filles et non seulement par des étrangers. Réputée pour les nombreux putschs et mutineries ayant jalonné l'histoire du pays, l'armée centrafricaine a par ailleurs longtemps été critiquée pour son implication dans des violations massives des droits de l'homme au cours des différents régimes.
« Mon objectif à très court terme, est de voir les éléments des Forces armées centrafricaines restructurées patrouiller en armes pour protéger nos concitoyens et pour intervenir, le cas échéant, aux côtés des forces de sécurité internationales dans les missions de protection de la population civile et de l'accompagnement à assurer pour le redéploiement de l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire national ». Ce vœu formé début juin 2016 par le président Faustin-Archange Touadéra pourrait se matérialiser dans deux mois, grâce à la coopération militaire européenne.
Selon Radio Ndeke Luka, un média de référence en Centrafrique, les experts militaires européens affectés à la formation des FACA assurent qu’un premier bataillon de 750 hommes sera bientôt opérationnel. « A partir de la mi-mai, le premier bataillon de 750 hommes sera prêt pour des opérations, sous condition de matériel et d’armement », rapporte Radio Ndeke Luka, citant le général Herman Ruys, commandant de la Mission de formation militaire de l’Union européenne en République centrafricaine (European Union Training Mission in the Central African Republic, EUTM RCA). « Nous allons continuer avec le deuxième bataillon et, en fin d’année, nous aurons deux bataillons complets de 1500 hommes opérationnels », a ajouté le général belge, qui s’exprimait le lundi 6 mars lors d’un colloque à Bangui sur la réforme de l’armée centrafricaine.
« Absence totale de moyens logistiques »
Egalement présent à la rencontre, le général Ludovic Ngaïféï, chef d’état-major des armées centrafricaines, a tenu à rassurer ses compatriotes impatients de voir les FACA redéployées. « Vous pouvez dire que l’armée n’existe pas, parce qu’elle ne remplit pas sa mission. Nous allons petit à petit la mettre sur les rails », a-t-il promis, en reconnaissant cependant que ses troupes manquent actuellement de tout. « On note une absence totale de moyens logistiques (…) En ce qui concerne l’armement, toute la dotation dont disposent les FACA suffit à peine à équiper une compagnie de combat, soit environ 150 hommes. Les munitions à disposition suffiraient à peine pour tenir pendant 30 minutes une hostilité à faible intensité », a confié le général centrafricain, exhortant les pays amis à lever ou assouplir l’embargo militaire en vigueur depuis plus de trois ans.
Dans sa résolution 2127 de décembre 2013, le Conseil de sécurité de l'ONU a instauré un embargo sur les armes pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert vers la République centrafricaine d'armements et de matériels connexes de tous types, suite aux exactions perpétrées contre des civils par des groupes armés, dont de nombreux éléments étaient des membres des FACA. Cet embargo a été prorogé jusqu’en janvier 2018.
Pour sa part, le chef de la délégation de l’Union européenne à Bangui, Jean-Pierre Reymondet-Commoy, a assuré les autorités de Bangui du « plein soutien » de son organisation à la réforme de l’armée centrafricaine. Le diplomate européen a par ailleurs exhorté la Centrafrique à saisir cette occasion pour sensibiliser ses autres partenaires. La première réponse à cet appel est venue des Etats-Unis, dont le représentant à Bangui, Jeffrey Hawkins, a annoncé une enveloppe de 8 millions de dollars pour l’achat d’équipements militaires.
Les assurances du président Touadéra
Lors de sa première rencontre, le 5 juin 2016, avec les nouveaux responsables militaires qu’il venait de nommer, le président Touadera avait indiqué avoir entrepris des discussions avec les partenaires sur la levée de l'embargo. Il avait exhorté ces commandants militaires à sortir la Centrafrique « de ce cycle qui la projette aux yeux du monde comme un pays instable, incapable durant des décennies de prendre en mains sa sécurité et celles de ses populations ». Sans cependant préciser s'il entendait réduire ou augmenter les effectifs militaires qui étaient estimés à 7.000 à 8 000 hommes avant que le pays ne sombre dans le chaos en 2013, il avait, en contrepartie, promis de « mettre une partie des ressources de la Nation au niveau correspondant à l'ampleur, à la diversité des missions » qu'il veut confier aux FACA.
S’adressant le lendemain à ses administrés, lors d’une réunion publique, à Bouar, dans la préfecture de la Nana Mambéré (ouest), Touadéra avait fait part de son engagement à doter son pays d’une armée « pluriethnique, professionnelle et apolitique». « Cette armée que nous allons bâtir n'aura pas pour mission de faire la guerre contre d'autres Centrafricains. Elle sera mise en place pour la sécurité du pays et celle de tous les Centrafricains qu'ils soient à l'Est, à l'Ouest, au Centre, au Nord ou au Sud », avait-t-il insisté.