« Quand je pense – au monde, à la politique, à la liberté, à la littérature, etc. -, quand je pense je ne me sens pas femme pas du tout. » , écrit une philosophe française Belinda Cannone, intéressante réflexion qu’il est toujours bon de rappeler à l’occasion des opportunistes journées de la Femme. Il reste que cette semaine trois femmes ont parcouru à leur manière les territoires de la justice et de la réconciliation.
Témoignant au micro de Radio Ndeke Luka à Bangui, Martine Bangue raconte comme elle a échangé ses armes de combattante de la Séléka contre la truelle du maçon. À la question « pourquoi avoir choisi ce métier », l’ancienne guerrière répond : « Je l’ai choisi parce que je voudrais être autonome, me prendre en charge. Aussi, parce que plusieurs maisons ont été détruites dans ce pays. C’est en travaillant que l’on peut soutenir les études de ses enfants. »
Martine Bagué qui bénéficie du programme de désarmement et de réinsertion de la Mission de l’ONU en Centrafrique (MINUSCA) ne regrette pas sa vie passée : « Non ! Je ne reprendrai plus les armes. Je demande à mes frères et sœurs de bien réfléchir avant de s’engager sur un terrain. Nous sommes tous Centrafricains. Arrêtons de régler nos différends avec les armes ».
Reste que cette combattante repentie est rare parmi les rebelles qui tiennent encore en otage la Centrafrique où l’autorité du président élu s’arrête le plus souvent aux frontières de la capitale. Faustin Touadéra est littéralement un Président désarmé, c’est à dire sans armée nationale. Signe de progrès, un bataillon des Forces armées devrait être pour le première fois déployé pour pacifier le pays ces prochaines semaines. Comme l’écrit le rédacteur en chef Afrique de JusticeInfo.net Ephrem Rugiririza citant le Président centrafricain, « cette armée que nous allons bâtir n'aura pas pour mission de faire la guerre contre d'autres Centrafricains. Elle sera mise en place pour la sécurité du pays et celle de tous les Centrafricains qu'ils soient à l'Est, à l'Ouest, au Centre, au Nord ou au Sud. »
Simone Gbagbo
Autre femme d’Afrique, l’ancienne première dame de la Côte d’Ivoire, longtemps redoutée et aujourd’hui en prison dans son pays, Simone Gbagbo. Ephrem Rugiririza a dressé un portrait de cette femme accusée de crimes contre l'humanité mais aussi, écrit-il, « l’une des plus grandes figures féminines de l’histoire contemporaine de la Côte d’Ivoire. Bien que très visiblement marquée par la prison, cette fervente évangélique, aujourd’hui âgée de 67 ans, refuse de baisser le bras. A l’instar de son époux, actuellement en procès devant la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, cette femme de poigne ne laisse pas échapper la moindre occasion de réitérer, devant les assises ivoiriennes, sa détermination à se battre contre « le colonisateur » français, responsable, selon elle, de la chute de son mari ». Devant la Cour d’assises transformée en tribune, elle se bat : « Tant que je vis, je vais continuer à me battre contre le colonisateur. Mais, si je meurs, les Ivoiriens vont continuer de se battre, l’agression du pays a été mondiale. Le monde entier s’est ligué contre la Côte d’Ivoire », ajoute-t-elle, faisant allusion à l’intervention en avril 2011 des troupes onusiennes et de la force Licorne de l’armée française. Rappelons enfin que la justice ivoirienne et la CPI ne poursuivent à ce jour que des pro-Gbagbo alors que les pro-Ouattara ont également commis, durant la crise, des crimes bien documentés par des ONG indépendantes.
Fatou Bensouda
Dernier destin marquant cette semaine, celui de Fatou Bensouda, procureure de la Cour Pénale Internationale, qui est à mi-mandat d’une charge exposée. Ancienne ministre de la Justice de la Gambie de Jammeh, qui dirigeait d’une main de fer un pays sans justice, Fatou Bensouda est devenue la juge suprême du droit pénal international. Africaine accusée de trop poursuivre les Africains. Même si la plupart des instructions avaient été menés par son prédécesseur controversé Luis Moreno Ocampo dont elle fut longtemps l’adjointe. La correspondante de JusticeInfo.net à la Haye auprès de la CPI écrit : « en quatre ans et demi, Fatou Bensouda a ouvert deux dossiers, Mali et Géorgie, et émis un mandat d’arrêt pour crimes de guerre contre le djihadiste d’Ansar Dine, Ahmed Al Mahdi. Trop peu d’actes, à ce jour, mais de nombreux dossiers sur la table, visant notamment Russes, Britanniques, Américains et Israéliens. Les observateurs attendent impatiemment l’ouverture annoncée d’un dossier sur l’Afghanistan, visant notamment les tortures perpétrées par les forces des Etats-Unis, comme un tournant et un test, pour la Cour et la justice international”. Même ses critiques de la société civile cités par JusticeInfo.net, le reconnaissent comme le juriste canadien, William Schabas : “« Examiner la conduite des Etats-Unis, de la Russie, d’Israël, même si cela peut être vu comme une mesure minimaliste, c’est déjà un tournant ». Un vrai test pour la CPI qui ferait mentir son triste tropisme africain.