Alors que des violences meurtrières se poursuivent, notamment dans la région de Bambari, le gouvernement centrafricain et la Mission des Nations unies assurent que le programme national de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Réintégration (DDRR) des groupes armés n’est pas une prime à l’impunité.
« La justice est indépendante et fera son travail », a déclaré, lors d’une conférence de presse le 15 mars à Bangui, le colonel Noël Bienvenu Selesson, coordonnateur général du programme national de DDRR à la présidence de la République.
Présente à côté du responsable centrafricain, la représentante spéciale adjointe du secrétaire général des Nations unies dans le pays, Diane Corner, a abondé dans le même sens. « Ce pays a connu de longues années d’impunité (…) Même si on n’a pas de jugement en ce moment, cela ne veut pas dire que le processus n’est pas en cours. Bientôt, nous allons publier la cartographie des crimes commis dans le pays depuis 2003, ce qui est un progrès non négligeable ».
Les deux personnalités ont donné cette assurance alors que circule dans le pays, depuis fin février, une pétition exigeant l’arrestation des criminels de guerre. Au moment de la conférence de presse, cette pétition soutenue notamment par Alexandre Ferdinand Nguendet, ancien président du Parlement de transition, venait de recueillir plus de 250 000 signatures. Dans le viseur, se trouvent notamment Ali Darass, chef du groupe rebelle Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), et Noureddine Adam, chef du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC). L’UPC et le FPRC sont deux factions rivales issues de l’ex-coalition Séléka à majorité musulmane, qui a chassé le président François Bozizé du pouvoir en mars 2013.
Plusieurs personnes ont été tuées lors des affrontements depuis novembre dernier entre les deux factions dans la région de Bambari. Les dernières violences en date dans la région ont fait une dizaine de morts la semaine dernière.
Le FPRC fait partie des groupes armés que le gouvernement a longtemps peiné à convaincre d’adhérer au programme DDRR. Lors de la conférence de presse du 15 mars, le coordonnateur général du programme a cependant annoncé que cette faction de l’ex-Séléka avait finalement désigné ses représentants au sein du Comité consultatif du DDRR. « Nous pensons que lors de la prochaine réunion, les deux groupes réticents y prendront part, car le FPRC de Nourredine Adam et la branche Mokom des Anti-Balaka ont déjà désigné leurs représentants à ce comité », a souligné le colonel Selesson. Constitués comme une riposte aux exactions des Séléka, les Anti- Balaka, au départ des milices d'auto-défense, ont aussi vite commencé à faire régner la terreur dans une grande partie du pays, s'en prenant particulièrement aux musulmans.
Programme de DDRR pour 7 000 ex-combattants
Le représentant du gouvernement centrafricain a indiqué qu’il disposait désormais de données fiables sur le nombre de combattants à démobiliser et sur les besoins. « Tous les documents techniques sont disponibles. Aujourd’hui, nous savons qu’il nous faut 45 millions de dollars pour tout le programme. Nous avons eu des promesses pour 20 millions de dollars », a-t-il dit. Toujours selon le colonel Selesson, le programme, qui devra s’étaler sur une durée de 39 mois, concerne 7 000 ex-combattants, dont 1500 enfants associés aux groupes armés, 500 mercenaires étrangers et environ 1000 anciens membres des Forces armées centrafricaines (FACA).
De son côté, Diane Corner, a rappelé que les ressources mobilisées seront utilisées au lancement officiel de ce programme. « Nous ne pouvons pas dépenser cet argent tant que le programme n’a pas démarré. De par le passé dans ce pays, il y avait eu des fonds destinés au DDR qui n’avaient pas été utilisés à cet effet, ce qui a conduit à des troubles, et c’est ce qu’il faut éviter », a-t-elle insisté. Elle a également réitéré l’appui de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) aux autorités centrafricaines afin de mener à bien le programme. « Nous continuons de travailler ensemble et nous sommes assez confiants qu’ensemble nous allons aboutir à un résultat satisfaisant dans ce processus », a-t-elle affirmé, rappelant que la Minusca soutiendrait à hauteur de 3 millions de dollars américains la phase de réinsertion du processus DDRR.
Le programme DDRR en Centrafrique se trouvait par ailleurs au menu d’une réunion à laquelle le président Faustin Archange Touadéra a participé le lendemain au Conseil de sécurité. Lors des discussions, le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, a rappelé qu'un désarmement fructueux exigeait l'adhésion de tous les groupes armés et la mise en place d'un accord élargi répondant aux doléances des groupes armés et de la population. « Notre priorité reste la sécurité et la pacification de l'ensemble du territoire national », a pour sa part indiqué le président Touadéra, qui peine à étendre son autorité sur tout son pays.