L’histoire est un plat qui se mange froid et les crimes de l’histoire difficiles à effacer d’un trait de plume comme d’une loi oublieuse du passé. Ainsi, cette semaine en République Centrafricaine, pays détruit par ses guerres civiles, les ONG ont courageusement dit non à l’amnistie et à l’impunité. Selon une déclaration du Réseau des ONG centrafricaines de promotion et de défense de droits de l’Homme (RONGDH), cette amnistie aurait été déjà suggérée au président Faustin-Archange Touadéra par l’Union africaine.
Pour Maître Mathias Mourouba, coordonnateur national adjoint du RONGDH, cité le 18 avril par le Réseau des journalistes centrafricains pour les droits de l’homme, c’est tout simplement un « projet funeste et macabre ». Une amnistie risque de transformer « les victimes d’aujourd’hui (en) bourreaux de demain », explique le réseau des ONG. JusticeInfo ajoute : « La situation des droits de l’Homme en Centrafrique semble aujourd’hui pire qu’il y a un an, lorsque le président Touadéra était démocratiquement élu à la tête du pays. Depuis la province de la Ouaka, la violence a gagné le nord-ouest, où sévit « Retour, Réclamation et Réhabilitation » (3R), un nouveau groupe armé qui se livre à des massacres et à des viols. »
Pour l’heure le Président a refusé toute amnistie expliquant que cette idée avait été rejetée par les Centrafricains eux-mêmes. Il reste qu’à l’instar du pays le système juridique est totalement failli. Le seul espoir de justice réside dans la Cour Pénale Spéciale qui sera composée de magistrats et de personnel nationaux et internationaux. La CPS a pour mandat de mener des enquêtes et des poursuites concernant les graves violations des droits humains perpétrées en Centrafrique depuis 2003. Encore faut-il que la communauté internationale veuille la financer et que présumés coupables soient arrêtés et les témoins libres de témoigner.
Sinon, disent les ONG, le cycle sans fin des crimes, vengeances et accaparement des richesses du pays continuera à ensanglanter la Centrafrique.
Ce risque d’effacement de la mémoire n’a pas épargné Genève, explique ainsi Pierre Hazan, dans un article sur l’impossible construction d’un mémorial du génocide arménien baptisé « les réverbères de la mémoire » une oeuvre de l’artiste Melik Ohanian sur les bords du Léman. « La saga débute en 2005 quand l’idée d’un monument pour marquer la tragédie arménienne est entérinée par le Conseil administratif genevois. Quelques années plus tôt, le parlement genevois en 2001 ainsi que le parlement suisse en 2003 ont reconnu le génocide dont furent victimes les Arméniens dans les années 1915-1917, et qui fit plus d’un million de morts, selon la plupart des historiens », écrit Pierre Hazan. Commencent alors les tentatives du gouvernement turc de bloquer la construction de ce monument. Douze ans plus tard, le monument n’a toujours pas trouvé une terre d’asile en Suisse. Mais, « les douze longues années d’obstruction pour la construction de ce monument a cristallisé l’attention des médias, conduit l’artiste Melik Ohanian à écrire un livre sur cette aventure qui se poursuit encore, mené à une mini-crise diplomatique turco-suisse dans laquelle furent impliquées les Nations unies, et incité l’artiste à repenser l’œuvre comme une métaphore de l’impossibilité de dépasser aujourd’hui encore le négationnisme de l’Etat turc ».
La Tunisie, dernière sentinelle du printemps arabe, connait de son côté une transition difficile ces derniers mois notamment dans le secteur des médias. Olfa Belhassine, la correspondante de JusticeInfo.net, explique ainsi : « Un thème à l’allure en apparence peu polémique défraie depuis quelques jours la chronique en Tunisie : la régulation audiovisuelle, instituée à la faveur de la transition ». Cet acquis de la démocratie naissante tunisienne est en péril ; juristes et ONG s’inquiètent. Et de citer le Professeur Larbi Chouikha, politologue et enseignant à l’Institut de presse de Tunis qui lance un autre cri d’alarme : « Quand les pouvoirs de l'argent s'adossent aux pouvoirs politiques pour mettre au pas les médias mainstream, les premiers signes commencent d'abord par la généralisation du buzz, la diversion et le détournement de l'attention des publics des véritables enjeux du moment, l'indigence du débat public, l'abêtissement, pour aboutir ensuite sur la décrédibilisation des institutions publiques, mais aussi le déni des principes professionnels et éthiques... Ainsi meurent nos libertés ! ».
Ces aléas des processus de réconciliation et de la justice transitionnelle n’empêchent pas la société civile de vouloir croire en ces processus. Ainsi, dans un article donné à JusticeInfo.net, plusieurs partis verts veulent «refonder le droit environnemental international sur le modèle du droit pénal international ». Ils écrivent : « nous encourageons la communauté internationale à s'impliquer dans la création d'une Cour Environnementale Internationale placée sous l’autorité des Nations unies. Comme les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc créés dans les années 1990 pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, cette Cour devrait avoir suprématie sur les justices nationales. Elle serait être conçue pour prévenir et juger les crimes environnementaux les plus graves et pour être le cœur d’une architecture contraignante de droit international environnemental. »