L'ancien rebelle kosovar Ramush Haradinaj, bloqué depuis quatre mois en France à la demande de la Serbie, va pouvoir regagner son pays, la justice française ayant rejeté jeudi la demande d'extradition présentée par Belgrade, qui souhaitait le juger pour des crimes de guerre remontant à 1999.
L'extradition de M. Haradinaj, un ancien Premier ministre, actuel député et opposant au président Hashim Thaçi, entraînerait "des conséquences d'une gravité exceptionnelle" pour lui-même, mais aussi du fait de "considérations liées notamment à son rôle (...) dans la vie politique du Kosovo", a estimé la chambre d'instruction de la cour d'appel de Colmar.
En conséquence, la cour a donné un "avis défavorable" à la demande d'extradition présentée par la Serbie, et levé le contrôle judiciaire qui empêchait M. Haradinaj, 48 ans, de rentrer dans son pays.
La cour a en revanche rejeté les autres arguments mis en avant par la défense du responsable kosovar, notamment l'affirmation selon laquelle la demande serbe revêtait un caractère "politique". Elle a également estimé que la justice serbe avait la compétence territoriale pour juger les faits reprochés, et qu'en cas de procès en Serbie les droits de la défense auraient été respectés.
L'avis défavorable donné à la demande de Belgrade ne repose donc que sur le critère des "conséquences d'une gravité exceptionnelle" qu'aurait entraînées son extradition: "il suffit qu'un seul critère ne soit pas rempli pour que la demande soit rejetée", a expliqué à l'AFP une source judiciaire.
Le président du Kovoso, Hashim Thaçi, s'est félicité sur Facebook de cette décision. Les "calomnies" serbes "ne sont pas prises en considération par le monde démocratique", a-t-il commenté.
Le parquet général de Colmar dispose d'un délai de cinq jours pour former un pourvoi en cassation, mais cet éventuel pourvoi ne serait de toute façon pas suspensif.
A l'annonce de cette décision, le responsable kosovar a été acclamé par des centaines de ses partisans venus le soutenir devant la cour d'appel de Colmar, qui ont crié "UCK!" (Armée de libération du Kosovo, ndlr) et "Ramush!".
- Grande popularité -
"J'ai perdu quatre mois dans cette procédure", a commenté M. Haradinaj, mais "cette décision me donne la possibilité de continuer mes obligations" politiques, a-t-il commenté.
Dans un entretien donné à l'AFP début avril, M. Haradinaj avait affirmé être victime d'une "persécution politique" de la part de Belgrade. Il espère rejouer un rôle de premier plan dans son pays, où son Alliance pour l'Avenir du Kosovo (AAK), l'un des principaux partis d'opposition, réclame la tenue rapide d'élections législatives anticipées.
L'ancien Premier ministre kosovar avait été interpellé le 4 janvier à son arrivée sur le territoire français, via l'aéroport franco-suisse de Bâle-Mulhouse.
Il est soupçonné par la Serbie d'avoir participé en juin 1999 à des exactions contre des civils serbes au Kosovo, territoire qui venait alors d'être placé sous l'administration des Nations unies.
"Il y a des gens dont les enfants ont été battus sous leurs yeux, à tel point qu'ils sont restés paralysés", avait précisé lors d'une précédente audience à Colmar le 9 février le représentant du parquet, Patrick Steinmetz, qui avait évoqué également des meurtres et des viols.
Ramush Haradinaj a été acquitté en 2008 et 2012 par le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) qui le jugeait pour des crimes de guerre remontant à 1998. Les faits dont il est accusé dans cette procédure examinée en France remontent en revanche à 1999 et sont donc distincts, selon Belgrade.
M. Haradinaj bénéficie d'une grande popularité auprès de nombreux Kosovars qui le considèrent comme un héros de la guerre d'indépendance de 1998-1999 contre les forces de Belgrade.
L'arrestation de cet ancien haut responsable de l'Armée de libération du Kosovo (UCK) avait suscité un vif émoi au Kosovo, mais aussi en Albanie.
Ultime conflit ayant déchiré l'ex-Yougoslavie, la guerre au Kosovo a fait 13.000 morts. Elle a conduit à la sécession de cette région majoritairement peuplée d'Albanais, mais que la Serbie considère comme son berceau historique.
Le Kosovo a déclaré en 2008 son indépendance, désormais reconnue par plus de 110 pays, dont la France et les Etats-Unis. Avec le soutien de la Russie, Belgrade ne reconnaît pas cette indépendance.