Dans un excellent ouvrage sur la justice transitionnelle, nos collègues de l’International Center for Transitional Justice de New York reconnaissent que cette thématique devenue omniprésente « est un art et non une science ». Et l’ONG américaine, une référence en la matière, de poursuivre : « cet art signifie comprendre le contexte (NDLR du pays en transition) y compris l’opposition à la justice ».
L’ICTJ aurait pu parler de la Centrafrique une nouvelle fois à l’épreuve cette semaine. Des violences sans précédent dirigées notamment contre les forces des Nations Unies (Minusca) ont laissé des dizaines de morts à Bangassou dans le sud du pays. Dans une interview avec Ephrem Rugiririza de JusticeInfo.net, le juriste français Didier Niewiadowski, explique : « la crise centrafricaine a changé de nature. Face à l'immobilisme et à l'affairisme exacerbé du clan présidentiel, le rejet du président Touadera et de son gouvernement est de plus en plus. Les événements de l'extrême -Est et notamment ceux de Bangassou constituent bien les prémices d'une rébellion politique et non plus des habituelles rivalités autour de sites miniers ». L’ONU, selon Niewiadowski, est perçue comme protégeant Touadéra et son clan et est attaquée pour cette raison. Et le juriste de dénoncer : « l'incapacité des autorités actuelles à gérer une politique de réconciliation nationale ».
Pourtant, sur le papier, tout est en place pour poursuivre les crimes de guerre commis en masse en RCA depuis des décennies. Dans une analyse des mécanismes juridiques locaux, mixtes avec la Cour Pénale Spéciale et internationaux avec la CPI, Stéphanie Maupas, correspondante de JusticeInfo.net à la Haye, explique comment est censé fonctionner ce complexe assemblage. « Mais l’architecture judiciaire centrafricaine est fragile », explique notre correspondante. « Le 10 mai, Amnesty International lançait une campagne, s’opposant notamment à toute amnistie que les rebelles tentent d’obtenir, en échange du désarmement. Selon la presse Centrafricaine, le président tchadien et l’Union africaine, tenteraient de convaincre Faustin Archange Touadéra ».
Gambie et Chiquita
À l’encontre de ces obstacles opposés en République Centrafricaine, la Gambie présidée par Adama Barrow essaie de faire oeuvre de justice. Deux Gambiens en fuite ont été ainsi inculpés jeudi pour l'assassinat, en 2004 à Banjul, du journaliste Deyda Hydara. Deyda Hydara, journaliste critique envers le régime de Yahya Jammeh, alors au pouvoir, a été tué par balle le 16 décembre 2004 à Banjul. Cofondateur du journal The Point, il était aussi correspondant de l'Agence France-Presse et de Reporters sans frontières en Gambie. Les deux hommes, en fuite, sont réputés en Gambie avoir été membres des "Jungulars" (ou "Junglers"), considérés comme les escadrons de la mort du régime de Yahya Jammeh, battu aux élections par Barrow et qui a fui son pays en janvier dernier.
La justice gambienne a par ailleurs émis un mandat d'arrêt visant un ex-ministre de l'Intérieur, Ousman Sonko, actuellement détenu en Suisse.
Enfin, la compagnie bananière américaine Chiquita a été mise en cause devant la CPI par plusieurs ONG défendant les droits de l’homme pour avoir financé les paramilitaires en Colombie. Pour sa défense, l’entreprise a expliqué avoir agi sous la contrainte, et payé les paramilitaires pour protéger ses employés. Mais pour le procureur américain, déjà en charge du dossier aux Etats-Unis, « Chiquita n’était pas forcée de rester en Colombie pour 15 ans, tout en payant les trois groupes terroristes qui terrorisaient le peuple colombien ».
JusticeInfo.net explique : « L’histoire de Chiquita est pavée d’accusations. L’United Fruit Company, son ancêtre, avait dû changer d’identité pour faire oublier des allégations de corruption, de trafics d’influence et d’exploitation humaine dans toute l’Amérique latine et centrale.