Existe-t-il une relation entre les crimes organisés et les crimes internationaux? Ce n’est pas toujours le cas. Mais il arrive que le pillage des ressources naturelles donne à des groupes armés les moyens de commettre des crimes graves, tels que le genocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Dans une interview accordée à JusticeInfo, Emmanuelle Marchand, conseillère juridique principale auprès de l’Ong Civitas Maxima, recommande ainsi à la justice pénale internationale de se pencher également, lorsque cela est possible, sur les crimes transnationaux organisés, car certains d’entre eux peuvent tout aussi être qualifiés de crimes internationaux.
Ya -t-il des cas aujourd'hui sur le continent africain où les crimes internationaux se nourrissent des crimes transnationaux organisés ou vce-versa?
Malheureusement, il y a de nombreux exemples, le trafic de ressources naturelles est devenu l’un des premiers moyens pour les groupes armés de financer un conflit et de le prolonger. L'exemple contemporain le plus marquant est la République démocratique du Congo (RDC), où diverses armées, groupes rebelles et acteurs extérieurs ont profité de l'exploitation minière tout en contribuant à la violence et à l'exploitation pendant les guerres dans la région.
Dans le cas particuliers de l'Est de RDC et la Centrafrique, la lutte contre les crimes internationaux est-elle possible si elle ne s'accompagne pas d'une lutte parallèle contre le crime international organisé?
Comme expliqué précédemment, le trafic de ressources naturelles par les groupes armés prolonge et nourrit les violences. Par exemple, il peut être observé que les exploitations minières illégales s’accompagnent souvent de l’utilisation du travail forcé et engendrent également des violences sexuelles. S’attaquer aux crimes transnationaux en parallèle des poursuites concernant les crimes internationaux permet de couper le financement de la guerre et donc la prolongation des violences.
Lors du Symposium organisé dernièrement par Wayamo Foundation à Arusha, en Tanzanie, vous avez parlé de l'expérience de votre ONG dans la lutte contre combinée contre les deux sortes de crimes dans une affaire liée à la Sierra Leone. Quelles leçons peut-on en tirer?
J’ai mentionné l’affaire Michel Desaedeleer, dossier qui a été initié par le travail d’enquête d’Alain Werner, directeur de Civitas Maxima. Ce dossier concernait l’implication d’un homme d’affaires belge (ndlr: Michel Desaedeleer) dans le trafic de diamants de sang. Ce trafic a en partie financé le groupe rebelle RUF (Front révolutionnaire uni) durant la guerre civile en Sierra Leone. Dans ce dossier, nous avons traité un crime transnational : «le trafic de diamants » sous l’angle des crimes internationaux. En effet, le trafic de ressources naturelles peut constituer le crime de guerre de pillage s’il est effectué en lien avec un conflit armé. Cette affaire démontre qu’un même comportement (ici le trafic de diamants ) peut constituer à la fois un crime transnational et un crime de guerre.
Des recommandations spécifiques aux tribunaux pénaux internationaux en vue d’une lutte combinée contre les crimes internatonaux et les crimes transnationaux organisés?
La compétence de la Cour pénale international (CPI) est limitée aux crimes énoncés dans son statut soit le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression. Malheureusement, la grande majorité des crimes organisés transnationaux est en dehors de sa juridiction. Les tentatives visant à inclure des crimes tels que le trafic de drogues dans le Statut de la CPI ont rencontré une grande opposition et le texte final du Statut limite la compétence de la Cour aux quatre crimes énoncés.
Cependant, la CPI est compétente pour traiter certains trafics sous l’angle de crimes de guerre de pillage quand cela est possible. Une recommandation pour la CPI pourrait être de se concentrer davantage sur ces crimes.