L'opposition vénézuélienne a voté dimanche, apparemment assez massivement, contre le président Nicolas Maduro et son projet de Constituante, espèrant s'appuyer sur ce succès pour exiger un changement de gouvernement, après bientôt quatre mois de violentes manifestations.
Seul incident sanglant recensé en soirée, une femme de 61 ans a été tuée et trois personnes blessées quand, selon le parquet, des inconnus ont ouvert le feu à moto sur une une file d'attente qui patientait à Caracasdevant l'un des quelque 2.000 bureaux de vote.
Plus de 7,1 millions de Vénézuéliens ont participé à cette consultation populaire symbolique, légalement non-contraignante, a annoncé l'opposition, le chiffre portant sur 95% des bulletins dépouillés.
Le Venezuela a ainsi "envoyé un message clair à l'exécutif national et au monde", a commenté Cecilia Garcia Arocha, recteur de l'Université centrale du Venezuela, précisant que près de 6,5 millions de votants l'avaient fait dans le pays et près de 700.000 depuis l'étranger.
Les recteurs d'université étaient les "garants" du scrutin.
D'après les projections de l'institut de sondages Datanalisis, quelque 10,5 millions de personnes, sur 19 millions d'électeurs, étaient prêts à voter à la consultation, soutenue par l'Eglise catholique, les Nations unies, plusieurs pays d'Amérique latine et d'Europe ainsi que par les Etats-Unis.
"Nous avons dépassé les attentes", a assuré un dirigeant de l'opposition, Freddy Guevara, avant l'annonce des chiffres de participation.
Par centaines de milliers, les électeurs, beaucoup vêtus de blanc ou aux couleurs du drapeau jaune, bleu, rouge du Venezuela, ont commencé dès dimanche matin à glisser leur bulletin dans des boîtes en carton installées dans des bureaux de vote à travers le pays par la coalition d'opposition, la Table de l'unité démocratique (MUD).
"C'est une démonstration indiscutable et historique", a déclaré un des leaders de l'opposition, Henrique Capriles, dès avant l'annonce du chiffre de participation.
Les bureaux de vote avaient fermé en début de soirée, bien après l'heure prévue, des électeurs faisant toujours la queue.
"La communauté internationale doit maintenant demander l'annulation de cette Constituante putchiste", a déclaré le Bolivien Jorge Quiroga, l'un des cinq anciens présidents latino-américains venus à Caracas en tant qu'"observateurs internationaux" de la consultation.
Parmi eux, l'ex-président mexicain Vicente Fox a été déclaré "persona non gratae" sur ordre du président Maduro, après son départ dimanche soir du Venezuela, a annoncé à la télévision le chef de la diplomatie de Caracas, Samuel Moncada.
"Je manifeste mon mécontentement contre le gouvernement. Nous ne trouvons pas de médicaments, nous avons chaque fois moins d'argent pour acheter de la nourriture. Et eux, ils veulent juste rester au pouvoir, nous votons pour qu'ils le quittent", a expliqué à l'AFP Tibisay Méndez, 49 ans, dans un bureau de vote du sud-est de Caracas.
De longues files d'attente s'étaient également formées à Madrid, Miami ou encore Bogota, où résident d'importantes communautés vénézuéliennes.
- 'Il est tombé !' -
Présenté comme un acte de "désobéissance civile", ce vote, qui se déroule sans l'aval des autorités, avait pour but de manifester le rejet par la population de la future Assemblée constituante, selon la coalition des antichavistes - du nom d'Hugo Chavez, président de 1999 à sa mort en 2013 - réunis au sein de la MUD.
Selon l'institut de sondages Datanalisis, près de 70% des Vénézuéliens sont opposés à la Constituante et 80% dénoncent la gestion par M. Maduro d'un pays quasi paralysé et traumatisé par des manifestations au cours desquelles près d'une centaine de personnes ont été tuées depuis le 1er avril.
Cette crise politique survient par ailleurs sur fond de chute des cours du pétrole qui frappe de plein fouet l'économie, dont 95% des devises proviennent de l'or noir.
La Constituante, dont les 545 membres seront élus le 30 juillet, aura pour mission de modifier la Constitution pour assurer, selon M. Maduro, la "paix et la stabilité économique".
Les opposants y voient un moyen pour le gouvernement de rester au pouvoir, en contournant l'Assemblée nationale où l'opposition est majoritaire depuis 2016.
"Il est tombé, il est tombé, ce gouvernement est tombé !", chantaient des adversaires du président dans la capitale en agitant des drapeaux vénézuéliens, au milieu d'automobilistes qui jouaient du klaxon.
- 'Ne pas perdre la tête' -
Le chef de l'Etat a appelé ses adversaires au dialogue en les encourageant à "ne pas perdre la tête" après ce vote.
Dimanche également, le gouvernement a invité les citoyens à venir tester les machines de vote qui seront mises en place pour élire les membres de la Constituante le 30 juillet.
"C'est un moment historique, nous n'allons pas l'entacher de violences (...) le monde entier observe les deux camps", a déclaré à l'AFP Maria Canela, venue participer à ce test dans une école de Caracas.
Vendredi, le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) a publié des chiffres de demandes d'asile déposées par des Vénézuéliens: 52.000 depuis janvier, soit plus du double de l'an dernier.