L'opposition vénézuélienne s'apprêtait à manifester jeudi à Caracas pour dénoncer la "fraude" entourant l'élection de l'Assemblée constituante voulue par le président Nicolas Maduro, dont la séance inaugurale est prévue vendredi.
Les manifestants espèrent parvenir jusqu'au siège du Parlement en soirée, bien qu'ils en aient été empêchés jusqu'à présent par les forces de l'ordre.
"La lutte continue. La fraude que représente cette Constituante met le pays sur la voie d'une explosion sociale. Ce processus est nul. C'est le début de la fin" a déclaré Henrique Capriles, l'un des dirigeants de l'opposition.
Le président Maduro a annoncé jeudi le report de 24 heures de la séance inaugurale de cette assemblée, chargée de rédiger une nouvelle Constitution.
Cette séance sera "organisée dans la paix, dans la tranquillité et avec tout le protocole nécessaire vendredi prochain à 11 heures du matin" (15h00 GMT), a déclaré M. Maduro lors d'une réunion avec des membres de cette assemblée de 545 membres élue dimanche.
Les leaders antichavistes (du nom de Hugo Chavez, président de 1999 à son décès en 2013) dénoncent le caractère "illégitime" de cette Assemblée et entendent continuer de siéger au Parlement où ils sont majoritaires.
Ce scrutin, qui s'est déroulé dimanche dans un contexte de grande violence, faisant dix morts, a suscité un tollé international. Plus de 120 personnes au total ont été tuées en quatre mois de manifestations contre le président socialiste.
Sa légitimité a par ailleurs été mise en cause par l'entreprise britannique chargée des opérations de vote qui dénonce une "manipulation".
"Nous savons, sans le moindre doute, que (les chiffres de) la participation à l'élection d'une Assemblée constituante nationale ont été manipulés", a déclaré Antonio Mugicala, le PDG de l'entreprise SmartMatic, en charge des opérations de vote au Venezuela "depuis 2004".
"La différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités est d'au moins un million de votes", a-t-il estimé.
- 'Affirmation irresponsable' -
"C'est un séisme", a réagi Julio Borges, le président du Parlement élu fin 2015, où l'opposition est majoritaire.
"C'est une affirmation irresponsable basée sur des estimations sans fondement concernant la data (données) dont dispose exclusivement" le Conseil national électoral (CNE), s'est défendue sa présidente Tibisay Lucena.
M. Maduro a pour sa part affirmé qu'il s'agissait d'une "réaction de l'ennemi international" et que le scrutin avait été "transparent".
La procureure générale du Venezuela Luisa Ortega, ancienne proche du pouvoir devenue aujourd'hui un de ses principaux adversaires, a de son côté indiqué mercredi qu'elle avait ouvert une enquête sur ces suspicions de fraude.
L'opposition a boycotté ce scrutin en dénonçant sans relâche une "fraude" visant à prolonger le pouvoir de M. Maduro, dont le mandat s'achève en 2019.
Selon les autorités, plus de huit millions d'électeurs, soit 41,5% du corps électoral, ont participé à l'élection des membres de la Constituante. Soit un chiffre supérieur aux 7,6 millions de voix réunies par l'opposition le 16 juillet, lors d'un référendum contre le projet de Constituante. Chaque camp conteste les chiffres de l'autre.
Le Venezuela est au bord de l'effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon l'institut de sondages Datanalisis.
- 'Réduire les tensions' -
La Constituante doit lancer ses travaux dans un contexte de tensions avec les Etats-Unis, renforcé par les nombreuses condamnations internationales après l'arrestation dans la nuit de lundi à mardi de deux des figures de l'opposition, Leopoldo Lopez, 46 ans, et le maire de Caracas Antonio Ledezma, 62 ans.
Le président américain Donald Trump a tenu "personnellement responsable" son homologue vénézuélien du traitement des deux opposants, condamnant "les actions de la dictature Maduro".
La Constituante se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l'Etat, et doit rédiger une nouvelle Constitution. Elle doit apporter la "paix" et permettre au pays de se redresser économiquement, selon le chef de l'Etat.
De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé les autorités "à faire tous les efforts possibles pour réduire les tensions" dans ce pays pétrolier au bord de l’abîme.