La Catalogne est en grève mardi, du FC Barcelone à la fameuse Sagrada Familia, pour défendre ses "droits" et dénoncer les violences policières en marge du référendum interdit sur l'indépendance dimanche, alors que le fossé semble se creuser de plus en plus avec Madrid.
Cette grande mobilisation, ponctuée de manifestations, intervient deux jours après l'organisation d'un référendum d'autodétermination interdit.
La police et la garde civile sont intervenues dans une centaine de bureaux de vote pour saisir urnes et matériel électoral, mais non sans violence.
Le scrutin auquel ont participé de très nombreux Catalans a ouvert la crise politique la plus profonde traversée par l'Espagne depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays en 1977.
Car les dirigeants de la Catalogne, une région grande comme la Belgique où vivent 16% des Espagnols, ont annoncé qu'ils envisagent sérieusement de déclarer l'indépendance une fois confirmée la victoire du "oui", à 90% selon des résultats non définitifs.
La grève avait dans un premier temps été convoquée par des syndicats minoritaires.
Mais finalement, après les brutalités et les violences ayant amené dimanche plus de 800 personnes à solliciter une assistance médicale, les syndicats majoritaires dans la région ont décidé d'y adhérer pour montrer une image d'unité face à ces agressions.
Les associations et partis indépendantistes, qui ont une importante capacité de mobilisation, également.
"Je suis convaincu que cette grève sera très suivie", a déclaré le président de la région Carles Puigdemont qui cherche aussi par ce biais à montrer que toute la société le soutient dans son bras de fer pour obtenir de Madrid, au minimum un référendum d'autodétermination.
- Une démonstration 'de paix' -
Dans les faits, la grève est prévue au port de Barcelone, dans les universités publiques, les transports, le Musée d'art contemporain (MACBA), parmi les employés de l'opéra et même ceux de la fameuse Sagrada Familia, la cathédrale de Gaudi.
Le Barça suivra aussi la grève: ni les équipes professionnelles ni celles des jeunes ne s'entraîneront mardi.
Les organisateurs veulent en faire une démonstration "de paix".
Cette grève intervient alors que l'agitation sociale a grandi ces dernières semaines en Catalogne.
Après des arrestations et perquisitions visant l'organisation du référendum à la mi-septembre, les associations indépendantistes avaient promis "une mobilisation permanente" de la société contre ce qu'ils qualifient de "manque de respect" et "d'humiliations" permanentes de Madrid.
Sourd à ces critiques, le gouvernement conservateur crie pour sa part "à la manipulation" des masses.
Le message est aussi adressé à la communauté internationale, lui demandant d'aider la région "à garantir les droits" des citoyens de Catalogne. Carles Puigdemont a d'ailleurs demandé lundi une "médiation internationale" dans le conflit qui l'oppose à Madrid.
Le chef du gouvernement Mariano Rajoy est resté silencieux. Il s'est réuni lundi avec les leaders du parti socialiste et de Ciudadanos (centre, opposé à l'indépendance) pour étudier "le grave défi posé" par cette crise.
Depuis 2010 l'indépendantisme gagne du terrain en Catalogne, alimenté par la crise et l'annulation partielle par la Cour constitutionnelle d'un statut qui lui conférait des compétences plus larges.
Et depuis 2012, de plus en plus de Catalans réclament à Madrid un référendum d'autodétermination pour trancher le débat, même s'ils sont divisés à parts presque égales sur l'indépendance.
Mais le gouvernement de Mariano Rajoy ne veut pas en entendre parler, soulignant que l'option n'est pas prévue dans la Constitution.
Lundi, M. Rajoy a été pressé par l'Union européenne de dialoguer. L'ONU a souhaité une enquête sur les violences tandis que Berlin et Paris exprimaient leur soutien à une Espagne unie. Et le Parlement européen a annoncé qu'il débattra en urgence mercredi de la situation en Catalogne.
Mais dans le pays un fossé semble se creuser de plus en plus profondément, dépassant le cadre politique.
A Barcelone lundi 200 gardes civils ont dû quitter leur hôtel, après un rassemblement nocture de manifestants devant l'établissement qui ont proféré des cris et des insultes et lancé des bouteilles.
A Madrid le footballeur barcelonais Gerald Piqué a été hué par le public au premier jour du rassemblement de la sélection espagnole, dans laquelle il évolue depuis bien des années. "Piqué, bâtard, l'Espagne est ton pays", ont crié certains spectateurs. Ses larmes ont fait le tour du monde.