Des lieux de culte chrétiens ont été saccagés la semaine dernière dans le centre du Mali par des djihadistes présumés, rappelant les attaques qui avaient visé la minorité chrétienne en 2012 dans les régions de Gao et Tombouctou, dans le nord. Les Evêques catholiques du Mali interpellent le gouvernement qui, jusqu’ici, reste silencieux.
La situation sécuritaire s’est nettement dégradée ces derniers mois au Mali, selon le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU. Une détérioration caractérisée notamment par des attaques ciblant des écoles et des lieux de culte, notamment dans le centre du pays.
Dans les localités de Dobara et Bodwal, des églises ont été saccagées par des présumés djihadistes la semaine dernière. A Dobara, à 800 km de Bamako, des hommes armés ont forcé la porte de l'église, avant de saisir un crucifix, une statue de la Vierge Marie et des nappes d'autel qu’ils ont brûlés en plein jour sur le parvis, selon des témoins.
Stupéfaite, la population locale vit dans la crainte d’une nouvelle attaque du genre étant donné l’absence de l’Etat dans la localité.
Quelques semaines plus tôt, au cours du même mois de septembre, d'autres attaques contre des églises et chapelles avaient été perpétrées dans le centre du Mali, devant les fidèles impuissants. C’est le cas dans la localité de Bodwal, où des hommes en armes avaient fait irruption dans l’église de l’endroit et chassé les fidèles, menaçant de les tuer s’ils osaient encore prier dans cet édifice religieux.
Face à cette situation, la Conférence Épiscopale du Mali crie au secours, appelant le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent. Edmond Dembélé, secrétaire de la Conférence Épiscopale du Mali, espère que cet appel sera entendu. « Nous déplorons cette situation mais espérons que la sérénité et la concorde vont revenir bientôt. Nous avons informé les autorités. Nous espérons que des dispositions seront prises face à cette situation », a-t-il dit.
Les autorités maliennes n’ont encore fait de déclaration officielle au sujet de ces attaques. Au niveau du ministère du Culte et des affaires religieuses, aucune réaction, malgré nos différentes sollicitations.
Des attaques contre la minorité chrétienne avaient déjà défrayé la chronique lors de l’éclatement de la crise au Mali en 2012, avec l’arrivée des groupes extrémistes dans le septentrion.
« Depuis 2012, à Gao et à Tombouctou, les Chrétiens étaient devenus une cible privilégiée des éléments du Mouvement pour l’unicité et djihad en Afrique de l’Ouest, (MUJUAO) et autres groupes terroristes. Tout ce qui était non -musulman était interdit », rappelle le sociologue Aly Tounkoura, professeur à l’Université du Mali. Selon ce chercheur malien, face à cette idéologie véhiculée par ces groupes extrémistes musulmans, il est urgent de retourner aux origines de l’Islam qui a toujours prôné la tolérance et l’acceptation de l’autre.
Le gouvernement appelé à protéger tous ses citoyens
Pour Aly Tounkara, ces attaques tout comme d’autres perpétrées sur les populations civiles, témoignent de la faiblesse de l’Etat central. Dans plusieurs localités du pays, notamment au centre, l’Etat semble absent. « A Koro, dans la région de Mopti, d’où je rentre d’un voyage, une mission évangélique est inquiète des attaques à répétition contre des écoles. Ceci est une situation inquiétante », témoigne l’universitaire, pour qui le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour exercer sa souveraineté sur toute l’étendue du territoire. « Le gouvernement doit promouvoir et renforcer la cohabitation interreligieuse dans le pays. Cela permet d’éviter le scénario d’autres pays où les religions se sont violement affrontées », estime-t-il. « Le risque est qu’avec l’absence de réaction, tant du côté du gouvernement que des musulmans à travers leurs leaders, le Chrétiens peuvent avoir l’impression qu’ils ne sont pas soutenus », redoute l’universitaire malien. Selon lui, la multiplication de ces attaques contre les lieux de culte chrétiens peut amener cette communauté à s’organiser elle-même pour assurer sa propre sécurité. Raison pour laquelle, il exhorte le gouvernement à jouer « son rôle régalien de protéger et défendre tout citoyen sans distinction de race, ni de religion ».
Au Mali, les Chrétiens constituent une minorité religieuse. Selon le dernier « Recensement administratif à caractère civil » (RAVEC) de 2009, ils sont estimés à près de 10% de la population. Les Catholiques sont les plus nombreux avec 6%, suivis des protestants, qui représentent 2 % de la population.