Plus de 20 ans après les conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie, Ratko Mladic, surnommé le "boucher des Balkans", connaîtra mercredi son verdict devant le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), refermant ainsi une page de l'Histoire.
L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie est, à 74 ans, le dernier grand accusé de ce tribunal créé en 1993 pour juger les personnes présumées responsables de crimes de guerre durant les conflits des Balkans. C'est même "l'un des premiers dossiers qui ont en réalité justifié (sa) création", selon le procureur Serge Brammertz.
Après avoir, au cours de ses deux dernières années, jugé Ratko Mladic et condamné son alter ego politique Radovan Karadzic à quarante ans de prison, le TPIY fermera définitivement ses portes le 31 décembre avec, au compteur, 161 inculpés.
C'est une page de l'histoire qui se tourne.
Pour l'ex-Yougoslavie, qui aura vu ses plus grands bourreaux jugés, mais aussi pour la justice internationale. Retrouvé mort dans sa cellule en 2006 pendant son procès, l'ex-président serbe Slobodan Milosevic était le premier chef d'Etat à comparaître devant un tribunal international.
Dernier à être jugé en première instance, le général Mladic est accusé d'avoir procédé au "nettoyage ethnique" d'une partie de la Bosnie en vue de créer un Etat serbe ethniquement pur. Il est poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre lors de la guerre de Bosnie (1992-1995), qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
L'accusation a requis la perpétuité. La défense son acquittement: l'ancien chef militaire n'a jamais concédé une once de culpabilité, même s'il s'est dit "désolé pour chaque innocent tué dans tous les camps, dans toutes les communautés ethniques de l'ex-Yougoslavie".
- 'Le même Mladic' -
Il a été inculpé le 25 juillet 1995, quelques jours après le massacre de près de 8.000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica (nord-est de la Bosnie) pour lequel il est accusé de génocide.
Six accusés, dont Radovan Karadzic, ont été reconnus coupables devant le TPIY pour le drame de Srebrenica, considéré comme le pire massacre en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale.
Lui sont également reprochés l'enlèvement d'employés des Nations unies et le siège de Sarajevo, long de 44 mois, au cours desquels 10.000 personnes ont été tuées, des civils pour la plupart.
Son procès aura duré cinq ans. 523 jours. Et aura vu défiler près de 600 témoins et 10.000 preuves.
Arrêté en 2011 chez un cousin et transféré à La Haye, il comparaît pour la première fois devant le tribunal quelques jours plus tard.
Il apparaît aminci, vieux, dissipé. Présente dans la galerie du public, la veuve d'une victime de Srebrenica a affirmé que Ratko Mladic l'avait regardée en faisant glisser son index sous sa gorge pour mimer une exécution.
Un an plus tard, le plus haut gradé militaire poursuivi par le TPIY est évacué de la salle d'audience après avoir contesté les dires du témoin protégé "RM346", survivant du massacre de Srebrenica, s'adressant directement à lui en serbe.
Cité à comparaître en 2014 au procès de Radovan Karadzic, il refuse de témoigner devant ce "tribunal satanique".
Et l'année dernière, aux conclusions de son propre procès, le prévenu, l'air maussade, grimaçait et lisait le journal.
Pour M. Brammertz, c'est le même Mladic "du premier au dernier jour".
- Réconciliation -
Mais au fil des audiences et des années, sa santé physique et mentale s'est dégradée.
Le "boucher des Balkans" a connu plusieurs accidents vasculaires cérébraux transitoires qui ont entraîné une détérioration de son système nerveux, selon des experts russes, cités par la défense.
Un argument que ses avocats ont utilisé à plusieurs reprises au cours des procédures, et ce mois encore afin d'exiger le report du jugement.
Désormais, le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) est la structure chargée d'achever les travaux des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l'ex-Yougoslavie. L'un des plus grands procès en appel sera celui de Radovan Karadzic.
Fréquemment accusé en Serbie d'être une institution "politique", ayant échoué à réconcilier les peuples, le TPIY a veillé à arrêter et juger les plus grands criminels de la Yougoslavie, Karadzic et Mladic en tête.
Car "sans responsabilité, il n'y aucune chance de réconciliation", assure le procureur.