Cette semaine, un tribunal militaire déplacé dans une petite ville du Kivu en République Démocratique du Congo a fait l’histoire de la justice transitionnelle. À Kavumu, ces juges ont donné un coup d’arrêt à l’impunité qui est le plus souvent la règle pour les crimes sexuels et que les prévenus sont puissants.
Le correspondant de JusticeInfo en République Démocratique du Congo Claude Sengenya écrit : « c’est un verdict historique qui a été prononcé le mercredi 13 décembre par la Cour militaire du Sud-Kivu dans le procès d'une vingtaine d' adeptes de la milice «Jeshi la Yesu » (l’armée de Jésus, en swahili), qui étaient accusés de crimes contre l’humanité par viols et meurtres. Le député provincial, Frédéric Batumike, chef de cette milice, et 11 de ses coaccusés ont été condamnés à la perpétuité ».
Les victimes, des fillettes, et leurs familles ont pu témoigner devant les juges profitant d’un système élaboré de respect de leur anonymat. Susannah Sirkin, de Physicians for Human Rights, l’une des ONG engagée dans ce combat avec Trial International explique : « le procès s’est déroulé d’une manière très professionnelle et presque sans précédent en RDC, en ce qui concerne la protection de l’identité de certains témoins pour sauvegarder leur sécurité et pour éviter le re-traumatisme des petites filles victimes de ces crimes abominables”. La cour a recueilli les preuves d’une manière rigoureuse et scientifique ».
Autre première, selon Daniele Perissi, responsable du programme RDC à Trial international « Un politicien en poste est reconnu coupable, en tant que supérieur hiérarchique, des crimes commis par lui-même et la milice qu’il contrôlait et finançait ».
Comme le dit Susannah Sirkin, “ dans le domaine des droits de l'homme, où le succès ne se voit que sur le long terme, c'est un moment où l'on peut vraiment célébrer la patience et la persistance qui amènent le changement ".
Le succès n’est pas toujours présent comme l’a rappelé la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI), Fatou Bensouda qui une nouvelle fois a sommé les pays membres de l’ONU d’appliquer le mandat d’arrêt émis à l’encontre du Président Soudanais Omar Al Bachir accusé de génocide au Darfour mais qui voyage librement de part le monde récemment en Jordanie ou en Russie. 89 déplacements depuis son inculpation, selon un dernier comptage.
La procureure a expliqué : “ Toute la machinerie judiciaire de la Cour peut être enrayée tant que les personnes recherchées par la CPI ne sont pas arrêtées ”. Rappelons que ce même Conseil avait saisi la Cour des crimes commis au Darfour en mars 2005.
Désenchantement toujours pour la transition démocratique : la Tunisie, dernier phare du printemps arabe, où un sondage récent fait part d’une immense déception quand aux acquis de la Révolution sept ans plus tard. La correspondante de JusticeInfo en Tunisie, Olfa Belhassine, écrit : “ Selon l’enquête, pour 51 % des Tunisiens, « la Révolution a échoué ». 56 % des personnes sondées estiment qu’ « aucun des objectifs de la Révolution n’a été atteint », notamment, ni la dignité, ni l’emploi. 80% des Tunisiens jugent que la situation générale du pays est pire qu’avant le 14 janvier 2010 (date du début de la Révolution) ».
Pourtant, notre enquête auprès d’activistes africains réunis fin novembre à un contre-sommet organisé par la société civile en marge du 5e sommet Afrique-Europe à Abidjan montre que l’idée de justice et de réconciliation n’est pas morte sur le continent. Brigitte Améganvi, présidente de « Synergie Togo », engagée dans la lutte contre le Président de son pays dont la famille règne sur le Togo depuis vingt ans, résume bien l’état d’esprit de nos interlocuteurs : « Oui, je suis fermement persuadée que, pour qu’il puisse y avoir réconciliation, il faut qu’il y ait identification des torts causés, qui les a causés quitte à ce que les victimes décident de pardonner et de passer l’éponge ».