Le juriste français et spécialiste de l'Afrique Didier Niewiadowski a choisi JusticeInfo pour exposer le concept d’ « exception d’insécurité », prétexte qui permet aux dictateurs africains de reporter indéfiniment les élections. Le meilleur exemple : Joseph Kabila en République Démocratique du Congo qui, selon Niewiadowski, « utilise l’exception d’insécurité, avec cynisme et provocations ». Et d’expliquer : « son mandat présidentiel s’achevait définitivement le 19 décembre 2016. En dépit de la médiation de la Conférence épiscopale nationale du Congo et des accords du 31 décembre 2016, l’élection présidentielle ne put avoir lieu en 2017. Evidemment, l’insécurité est la première raison invoquée pour ne pas entamer les premières phases du processus électoral. Le mandat présidentiel se poursuit donc sans échéance précise mais, en revanche, la répression est de plus en plus sévère, les groupes armés s’enhardissent, les opposants sont traqués ». Une étude étayée de la FIDH montre comment Kabila et ses milices fomentent l’insécurité notamment dans le Kassaï. Résultat : il y a peu de chances que l’élection, qui aurait dû avoir lieu à l’automne 2016, puisse être organisée en 2018.
Mali
L’universitaire français redoute que le Président congolais fasse des émules au Cameroun ou au Mali et que leurs Présidents en difficulté se servent aussi du prétexte de l’insécurité.
Au Mali, le Président a ainsi annoncé une loi d’amnistie, présentée comme une loi “d’entente nationale” à l’occasion de ses voeux du Nouvel an mal accueillie par la société civile. “Ce projet divise le pays et suscite des incompréhensions”, écrit le correspondant de JusticeInfo.net à Bamako, Boubacar Sangaré, qui précise : “le chef de l’Etat a beau affirmer que son initiative ne « ne constitue ni une prime à l’impunité, ni un aveu de faiblesse » : ses opposants trouvent le projet mal venu, surtout en cette période d’insécurité, en particulier dans le centre et le centre du pays”. Ainsi, explique Andrew Lebovich, doctorant en histoire à l’université de Columbia et fin observateur de la situation au Mali : « Tout le monde se demande pourquoi proposer une telle politique, et pourquoi maintenant, à un moment ou sa position politique est plus menacée qu'avant et où les doutes se propagent quant à la tenue des élections régionales, locales et présidentielles ».
Burundi
Au Burundi, premier pays d’Afrique à s’être retiré de la Cour Pénale Internationale, les crimes du régime se perpétuent à huis clos et l’accès au pays fermé aux enquêteurs internationaux. Mais, selon Stella Ndirangu, une activiste kenyane, interviewée par JusticeInfo.net, la justice internationale peut encore faire son travail. Mme Ndirangu explique : “depuis le début de la perpétration de ces crimes, il y a eu une documentation aux fins d’assurer que, même à l’avenir, leurs auteurs en rendent compte. Deuxièmement, plusieurs personnes ont dû quitter le Burundi pendant ces violations massives des droits de l’homme. Ce sont donc des témoins ”. Et d’ajouter : “la CPI devra mener son enquête en grande partie en dehors du Burundi”.
La spécialiste kenyane explique qu’il faut “montrer que la justice internationale fonctionne et qu’elle est importante et présente pour essayer de juger les violations massives perpétrées en Afrique et ailleurs dans le monde”.
En Tunisie, seul pays arabe en transition, l’histoire parait se répéter. Ainsi, la même semaine où l’Instance Vérité et Dignité enquêtait sur les émeutes de la faim en 1984 sous Bourguiba le pays connaissait de nouveaux mouvements contre le renchérissement de la vie. Olfa Belhassine notre correspondante à Tunis, se demande : “Un second janvier 1984 est-il envisageable aujourd’hui ?”