Le pape François démarre mardi sa première journée de rencontres tambour battant au Chili, au chevet d'une Eglise locale discréditée par des scandales de pédophilie.
Le discours du pape argentin à des prêtres, religieux et séminaristes, rassemblés en fin d'après-midi dans la cathédrale de Santiago du Chili, sera scruté à la loupe. François enchaînera ensuite un rendez-vous avec une cinquantaine d'évêques chiliens.
Lundi, des militants de plusieurs pays, de la France aux Etats-Unis en passant par l'Allemagne, ont lancé à Santiago une organisation mondiale contre la pédophilie au sein de l'Eglise ("Ending Clerical Abuse" - ECA) et demandé au pape des "actions" concrètes.
Le pape, qui prône la "tolérance zéro" face aux prêtres pédophiles, marche sur des oeufs au Chili.
L'octogénaire père Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique de prêtres, a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 80 et 90. Il a été contraint à se retirer pour une vie de pénitence.
Mais en janvier 2015, le pape François avait pris la décision de nommer Mgr Juan Barros à la tête d'un diocèse du sud du pays, au moment où il était soupçonné d'avoir protégé dans le passé le vieux prêtre condamné pour pédophilie.
Cette nomination avait été contestée par des experts laïcs de la commission vaticane de protection des mineurs, chargée de réfléchir à la prévention d'abus sexuels.
Et une congrégation religieuse, des députés et des organisations laïques chiliennes avaient envoyé une lettre de protestation au Vatican. Mgr Barros avait pour sa part démenti avoir été au courant des agissements de Karadima.
Quelques jours avant l'arrivée du pape, ce dossier brûlant a refait surface avec la publication d'une lettre envoyée en 2015 par le pape François à l'épiscopat chilien, a confirmé vendredi ce dernier. Elle reflète un certain embarras du Vatican pour le dossier de Mgr Barros.
L'Eglise catholique du Chili avait demandé formellement pardon, en avril 2011, pour tous les cas d'abus sexuels sur des enfants commis par des membres du clergé et pour son manque de réactivité face aux plaintes par le passé.
Selon la base de données de l'ONG américaine Bishop Accountability, des dénonciations pour abus sexuels ont concerné près de 80 religieux au Chili ces dernières années.
Sous la dictature de Pinochet, l'Eglise était admirée pour son rôle de protection des droits de l'Homme. Aujourd'hui, ce pays catholique à 74% se sécularise à vive allure. Le pourcentage de personnes se déclarant athées est passé de 12% à 22% entre 2006 et 2014.
Ue série d'attaques ont visé durant le week-end cinq églises de Santiago, l'oeuvre possible de groupes anarchistes.
- Transition politique -
Comme le veut la tradition diplomatique, le souverain pontife débutera mardi la journée par un discours devant les autorités gouvernementales et civiles.
Au palais présidentiel de La Moneda --un lieu chargé d'histoire où mourut le président socialiste Salvador Allende en 1973 lors du coup d'Etat d'Augusto Pinochet-- le pape pourra saluer de façon informelle le milliardaire conservateur Sebastian Piñera, victorieux à la présidentielle de décembre et qui prendra ses fonctions en mars.
Le pape effectuera une visite privée avec l'actuelle présidente, la socialiste Michelle Bachelet, dont certaines réformes sociétales ne sont pas du goût de l'Eglise (dont l'adoption du mariage homosexuel et la dépénalisation de l'avortement).
François est le deuxième pape de l'Histoire à se rendre au Chili, après Jean Paul II en avril 1987.
A l'époque, la venue du pape polonais avait déclenché une véritable bataille rangée entre policiers et opposants à Pinochet, dans le parc O'Higgins. Quelque 600 personnes avaient été blessées. Jean Paul II, avant d'être évacué d'urgence, avait crié: "l'amour est le plus fort".
C'est donc malgré tout dans une ambiance plus sereine que le pape François célébrera une messe dans ce même parc public, le deuxième plus grand du pays, où sont attendues mardi quelque 400.000 personnes.
Mardi, François pénétrera aussi pour la première fois dans une prison pour femmes, peuplée de 620 détenues "pauvres parmi les pauvres" qui ont préparé sa venue avec allégresse.