La Birmanie et le Bangladesh se sont donné mardi deux années pour régler le retour des 655.000 Rohingyas qui ont quitté la Birmanie depuis fin août, fuyant une campagne militaire qualifiée d'épuration ethnique par les Nations unies.
C'est la première fois que les deux pays évoquent clairement un calendrier pour le retour de cette minorité musulmane persécutée depuis des années dans ce pays d'Asie du Sud-Est majoritairement bouddhiste.
Près d'un million d'entre eux vivent maintenant au Bangladesh le long de la frontière, dans des camps saturés et insalubres.
Le Bangladesh et la Birmanie ont entamé des pourparlers depuis des semaines sur cette question des réfugiés. Ils se sont mis d'accord mardi à Naypyidaw, la capitale birmane, "sur le document que devront remplir" les réfugiés, a indiqué le ministère des Affaires étrangères du Bangladesh.
Sous la pression de la communauté internationale, alarmée par les conditions de vie des Rohingyas, le gouvernement a promis de rapatrier les réfugiés s'ils peuvent prouver qu'ils habitaient auparavant en Birmanie.
D'après le même communiqué du ministère, cinq camps doivent être construits en Etat Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, où vivaient avant le début de la répression militaire la grande majorité du million de Rohingyas.
Les violences dans l'Etat Rakhine ont débuté fin août 2017 par des attaques de postes de police par la rébellion de l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ARSA), qui dénonce les mauvais traitements subis par cette minorité.
"Dans les jours qui viennent, les réfugiés pourront commencer à s'enregistrer. Le processus va pouvoir commencer", a expliqué à l'AFP Mohammad Sufiur Rahman, ambassadeur du Bangladesh en Birmanie, qui a pris part aux discussions.
Ce dernier a toutefois écarté un retour des premiers Rohingyas fin janvier comme cela avait été annoncé: "c'est impossible".
ONG et diplomates se demandent si les Rohingyas traumatisés accepteront de rentrer.
La plupart des réfugiés rohingyas approchés par l'AFP à l'intérieur des camps côté Bangladesh confirment qu'ils ne souhaitent pas retourner en Birmanie - leurs villages ont souvent été brûlés et leurs champs confisqués.
Ils estiment également que l'Etat Rakhine n'offre pas de garantie de sécurité.
- Apartheid -
Dans un rapport récent, Amnesty international avait estimé que l'ouest de la Birmanie était une "prison à ciel ouvert" pour les Rohingyas, victimes d'"apartheid".
Plus grande population apatride du monde depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, sous le régime militaire, les Rohingyas sont victimes de discriminations.
Ils n'ont pas de papiers d'identité et ne peuvent pas voyager ou se marier sans autorisation. Ils n'ont accès ni au marché du travail ni aux services publics comme les écoles et hôpitaux.
Les Rohingyas sont isolés du monde extérieur et la répression s'est accentuée depuis 2012, année durant laquelle des violences intercommunautaires ont fait plus de 200 morts, surtout des musulmans.
"Le rythme du retour doit être dicté par les réfugiés eux-mêmes", estime Vivian Tan, porte-parole du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
"Il est très important de leur demander ce qu'ils veulent. Et jusqu'ici ils disaient ne vouloir rentrer que si les choses changeaient", ajoute-t-elle.
Après des mois de dénégations, l'armée birmane a reconnu la semaine dernière que des soldats avaient tué de sang-froid des prisonniers rohingyas.
Un premier aveu public de violation des droits de l'Homme a été vu comme un "pas positif" par la dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, très critiquée pour sa gestion de cette crise humanitaire.
Les autorités birmanes, qui n'étaient pas joignables dans l'immédiat pour commenter cet accord, ont assuré travailler actuellement à la mise en place d'un camp temporaire pour les réfugiés dans le district de Maungdaw.
L'un des sites pourraient accueillir jusqu'à 30.000 personnes, a indiqué le gouvernement il y a quelques jours.