Les équipes mobiles que la Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr) prévoit de déployer auront la délicate mission d’aller à la rencontre des victimes éloignées des capitales régionales, et qui se trouvent dans des localités difficiles d’accès.
Le challenge en vaut la peine. Plus de deux ans après le début de sa mission, la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) du Mali en est toujours à l’étape des prises de dépositions. Selon ses membres, environ 6 000 dépositions ont été enregistrées en un an.
Depuis mi-décembre, la commission prévoit de déployer des équipes mobiles dans les régions qu’elle couvre, notamment Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou, Ménaka et Taoudéni. Au début du même mois, des membres de ces équipes ont reçu, pendant une semaine à l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye de Bamako, des formations dans la prise de déposition collective, dans le secourisme. Ensuite, a suivi une mission précurseur de dix jours menée dans les mêmes régions pour, explique-t-on du côté de la commission, « s’enquérir de la situation sécuritaire sur le terrain, échanger avec les autorités locales, les chefs coutumiers et les associations de victimes, et recueillir des informations sur les lieux où les victimes sont concentrées. »
« Cela a permis de remonter beaucoup d’informations. La situation sécuritaire a dégénéré, n’importe qui est armé. », confie Ibrahima Coulibaly, commissaire à la CVJR. Il a ajouté qu’au cours de cette mission, certains émissaires tombés dans les rets des « bandits armés » n’ont eu la vie sauve que parce qu’ils étaient de la région, en l’occurrence Tombouctou. Cette mission précurseur a pris fin le 20 décembre. Ainsi, le déploiement des équipes mobiles pourrait intervenir entre fin février et début mars, « si tout se passe bien », précise Ibrahima Coulibaly.
Au Mali, le travail de la Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr) concerne les violations des droits de l’homme de 1960 à 2013, mais certains acteurs ont jugé nécessaire de l’étendre au-delà. Son mandat, d’une durée de trois ans, devrait s’achever cette année 2018. Elle a pour mission de « contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques » Composée de membres issus de la société civile, du gouvernement ainsi que des groupes armés du nord du Mali, elle a été créée en 2014, sous la pression des partenaires du Mali, selon certains observateurs. Mais la commission n’a commencé à travailler véritablement qu’en octobre 2015, après la nomination, le 3 août 2015, de son président Ousmane Oumarou Sidibé et des commissaires. Depuis son installation, elle est en butte à nombre de difficultés. « Certains acteurs ne comprennent pas sa raison d’être », confie un commissaire. A cela, vient s’ajouter le fait que la commission n’a pas d’autonomie financière : ses fonds sont logés au ministère de la Réconciliation nationale. Ce qui pose le problème de son ancrage institutionnel.
Victimes éloignées
Selon la Cvjr, le déploiement de ces équipes mobiles fait partie de la stratégie visant à atteindre le maximum de victimes. Au Mali, elle se justifie surtout par le fait que bon nombre de victimes sont éloignées des capitales régionales. Aussi, se trouve-t-il qu’il y a une baisse d’affluence des victimes vers les antennes régionales basées à Bamako, Koulikoro, Kayes, Ségou, Sikasso, Mopti, Tombouctou, Taoudéni, Gao et Menaka. « La CVJR va donc vers les victimes, pour se rapprocher d’elles », affirme M. Coulibaly
Comment s’y prendre dans les localités où les conditions sécuritaires n’arrêtent pas de se dégrader, comme c’est le cas dans les régions du centre (Ségou, Mopti) ? Même si la Cvjr sait où se trouvent les victimes dans ces régions, à savoir à Tenenkou, Dia, Djenné, Douentza, elle prévoit de les faire venir dans les localités à l’abri de l’insécurité.
Au Mali, le mandat de la commission arrivera à terme cette année. Pour beaucoup, le gouvernement n’a d’autre choix que de le prolonger. A la commission, on annonce d’ores et déjà le début de la rédaction de la politique de réparation qui devrait être soumise au gouvernement. « Nous sommes là pour les victimes », rappelle Ibrahima Coulibaly.