La transition en Tunisie est certes chaotique mais aussi vivante et résiliente, comme JusticeInfo.net l’a montré cette semaine. Ce pays - dernier acteur du printemps arabe - s’interroge sur l’avenir de ses processus de justice transitionnelle notamment de sa commission Vérité (Instance Vérité et Justice) qui en est devenue le symbole. « À quelques mois de la fin des travaux de l’IVD, en décembre 2018, la question de l’après devient récurrente”, écrit ainsi la correspondante de JusticeInfo.net à Tunis, Olfa Belhassine.
Les questions sont nombreuses avec 60 000 dossiers de victimes enregistrés à l’IVD : Que sera la justice transitionnelle dans la période post commission vérité ? Qui mettra en exécution les recommandations de son rapport final ? Comment les victimes seront-elles réhabilitées et réparées ? Quelle stratégie pour préserver la mémoire? Quid de la réforme des institutions et des lois pour garantir la non répétition des violations ?
Pour l’heure, peu de réponses du côté du pouvoir qui au fil des années regarde avec une suspicion croissante ce travail de mémoire, de justice et de réparations.
Preuve de l’intérêt de la société civile qui elle prend à bras le corps ces questions de justice transitionnelle, le débat sur le devenir des archives de l’IVD. L’instance a lancé un appel d’offre pour remettre son trésor de documents écrits et sonores, à un hébergeur privé américain Cloud Microsoft azure situé en Europe occidentale et aux Etats-Unis.
Ce projet suscite l’inquiétude des associations de victimes et des historiens et juristes tunisiens qui voudraient conserver ces documents dans leur pays. « Des documents essentiels pour l’établissement des faits dans le cadre des investigations et renfermant une part de la vérité sur un sombre passé des violations des droits de l’homme », écrit notre correspondante, citant l’historien et documentaliste Abdel Jelil Temimi qui parle « des archives de l’âme ».
Ce débat montre l’importance pour un pays en transition de ces processus de justice. Ainsi, Zeid Ra’ad Al Hussein le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a dressé dans son dernier rapport annuel la liste de crimes de masses qui nécessiteraient la mise en place de commissions d’enquête ou la saisine de la Cour pénal internationale ou d’autres tribunaux habilités à agir au nom de la compétence universelle. Un long chapelet de crimes concernant la Syrie, bien sûr, mais aussi le Sri Lanka ou le Venezuela, la RCA comme le Myanmar. Pas sûr que le haut-commissaire qui achève cette année son mandat soit entendu.
Terminons sur une note plus positive avec la Suisse qui a innové en restituant des centaines de millions de dollars spoliés par l’ancien dirigeant nigérian Sani Abacha aux plus pauvres des Nigérians via la Banque Mondiale. “Cet accord”, écrit JusticeInfo.net, “ est présenté comme un modèle pour d'autres pays traitant des avoirs des dictateurs, même si des organisations de la société civile en Suisse et au Nigeria émettent de sérieuses réserves”. Tout en reconnaissant que l’accord avec la Banque Mondiale est mieux qu’une nouvelle spoliation de ce type d’avoirs, comme c’est souvent le cas. La Suisse souligne que « cet accord est «historique» quant à son niveau de surveillance, d'implication de la société civile et d'utilisation des nouvelles technologies pour les transferts de fonds et la traçabilité, qui n'aurait pas été possible il y a quelques années ». Depuis 1986, Berne a restitué plus de 2 milliards de francs suisses d'avoirs volés.