Le Parlement tunisien a voté tard lundi soir contre une prolongation du mandat de l'Instance de justice transitionnelle, chargée de rendre justice aux victimes de la dictature et des violations des droits de l'Homme en Tunisie.
Après deux séances particulièrement houleuses samedi et lundi, les députés ont rejeté la prolongation du mandat de l'Instance Vérité et Dignité (IVD) qui devait initialement se terminer le 31 mai, par 68 voix contre, deux abstentions et 0 voix pour, a indiqué l'Assemblée sur twitter.
De nombreux députés, dont ceux du parti islamiste Ennahdha, ont quitté l'hémicycle avant le vote qu'ils estiment entaché d'irrégularités.Plusieurs partis contestent ce vote, et l'IVD estime ne pas avoir besoin de l'aval de l'Assemblée pour poursuivre son travail. "Depuis 2014, le gouvernement a connu un retour important de l'élite de l'ancien régime et il parait difficile pour certains qui peuvent se retrouver sur la sellette d'accepter" le travail de l'IVD, a souligné le chercheur Eric Gobe peu avant le vote lundi soir, soulignant qu'à défaut de mandat du Parlement, l'IVD risquait de manquer de moyens.
En février, cette instance a d'elle même prolongé son mandat jusqu'au 31 décembre 2018 en arguant du manque de coopération de l'Etat. La loi qui a créé cette instance fin 2013 prévoit un mandat de quatre ans, renouvelable un an.
Plusieurs organisations avaient appelé la semaine dernière à permettre à la justice transitionnelle d'achever son travail.
"Un vote contre cette prolongation saboterait le fragile système de justice transitionnelle et bafouerait les droits des victimes à la vérité, la justice et à des réparations", estimait Human Rights Watch.
L'IVD a pour mission, de "dévoiler la vérité sur les violations des droits de l'Homme commises entre le 1er juillet 1955 et le 31 décembre 2013", soit sous le régime du premier président tunisien, Habib Bourguiba (1957-1987) et de son successeur Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011), mais aussi sous certains des gouvernements en place après le soulèvement de 2011.
L'instance a transmis son premier dossier à une cour spécialisée le 2 mars, concernant 14 cas de disparitions forcées. Depuis le début de ses activités, l'IVD a reçu plus de 62.000 dossiers de violations présumées des droits de l'Homme, et entendu environ 50.000 personnes.