Peter Lewis a été élu le 28 mars à la tête du Greffe de la Cour pénale internationale (CPI). Contrairement à ses trois prédécesseurs, le britannique n’est pas un homme du sérail, mais dispose d’une solide expérience à la tête du service des poursuites de la Couronne pour l’Angleterre et le pays de Galles. Il succède au néerlandais Herman von Hebel et prendra ses fonctions le 16 avril pour un mandat de cinq ans.
Pour les cinq années à venir, Peter Lewis sera l’homme clé de l’administration de la Cour. Les dix-huit juges - dont six viennent tout juste de prêter serment - ont élu un ancien procureur britannique à la tête du Greffe. Les magistrats ont délaissé les favoris : le belge Marc Dubuisson, pilier historique de la Cour, actuel directeur des services d’appui judiciaire du greffe, et qui aligne 20 ans d’expérience dans la justice internationale ; et le franco-sénégalais Didier Preira, ancien greffier adjoint de la Cour, comptant à son actif quatorze ans d’expérience internationale. C’est la première fois qu’un inconnu du sérail occupe le poste de greffier. Peter Lewis ne connait pas les arcanes de la justice internationale. Son expérience de la Cour est ancienne et succincte. En 1999, Peter Lewis avait participé, au nom du Royaume uni, à la Commission sur le Règlement de procédure et de preuve, sorte de Code pénal de la juridiction. Puis à un groupe de travail sur le règlement du Bureau du procureur. Les magistrats ont néanmoins choisi la continuité sur un point : comme pour les trois premiers greffiers de la Cour, ils ont choisi un européen.
Un budget de 150 millions d'euros à gérer
Le nouvel élu devra gérer un budget de quelques 150 millions d’euros par an et une institution où émargent 900 fonctionnaires. Outre le budget et les finances, le Greffe est chargé de toute l’administration de la juridiction, l’entretien de ses locaux flambant neufs, la sécurité, la communication et l’outreach (sensibilisation), les services d’interprétation, la gestion des salles d’audience, la protection des témoins, l’aide légale, l’administration des avocats, la représentation des victimes, la prison, le personnel, les relations avec les Pays-Bas, etc. S’ajoutent à ces tâches administratives et judiciaires un volet plus diplomatique, portant sur la coopération des Etats, pour notamment l’arrestation et le transfèrement de suspects vers La Haye, et la venue de témoins à la Cour. Peter Lewis devra aussi convaincre les Etats de passer des accords destinés notamment à accueillir sur leur sol des témoins protégés ou faire exécuter les peines des condamnés de la Cour dans leurs prisons. Il devra aussi assurer la coordination avec la procureure, Fatou Bensouda et le président de la Cour – sous l’autorité duquel il est placé - le juge canado-nigérian Chile Eboe-Osuji, lui aussi fraichement désigné par ses pairs, le 9 mars dernier.
Promesses d’efficacité
Dès ses premiers pas en 2002, la Cour a mis en place des procédures très bureaucratiques, et les Etats parties ont, depuis 2009, sans cesse réclamé des réformes. Son prédécesseur, Herman von Hebel, qui remettra les clés du Greffe à Peter Lewis le 16 avril, avait été élu en 2013 sur un projet de réforme ambitieux, mais dont la mise en œuvre s’est avérée coûteuse et les résultats marginaux. Sur le papier, Peter Lewis a tout d’un réformateur et revendique son expérience passée. A la tête du Services des poursuites de la Couronne, le britannique avait appliqué, entre 2010 et 2015, les coupes budgétaires décidées par le gouvernement Cameron, réduisant le budget de l’institution de quelques 120 millions de livres sterling et la réformant en profondeur, passant de 9000 à 6000 fonctionnaires, sans pour autant, assure-t-il, perdre en efficacité. Pour l’ancien procureur, le défi majeur de la Cour est de « veiller à ce qu’elle continue à traduire en justice les cas les plus flagrants, à un coût que les Etats parties sont disposés à payer ». Les candidats au Greffe doivent, plusieurs mois avant l’élection, conduire une campagne auprès des Etats membres de la Cour – qui formulent un avis sur le profil attendu – et devant les juges de la CPI, qui procèdent au vote. Au cours de cette campagne, les candidats ont aussi été sollicités par la Coalition des ONG pour la CPI (CICC) et l’Association du Barreau de la Cour pénale internationale (ABCPI), sur leur programme futur. Interrogé sur les défis, Peter Lewis avait estimé que « l'accent est désormais mis sur l'optimisation des ressources et l'efficacité des organes de la Cour. Il existe un réel danger que, à moins que la Cour ne réponde au contrôle auquel elle est légitimement confrontée, le financement [par les Etats] sera limité et aura des conséquences inévitables sur son efficacité future. » Peter Lewis a semble-t-il planché sérieusement son dossier, identifiant les reproches proférés contre la Cour : manque d’efficacité, besoin d’efficience, problèmes aigues de gouvernance, perte de confiance, absence de vision d’ensemble, aide légale et jusqu’au site internet de la Cour. Interrogé par la Coalition des ONG sur la place des victimes, Peter Lewis a estimé qu’elles constituent un « élément essentiel de la légitimité de la Cour ». Pour l’ancien procureur, leur « participation ne doit pas conduire à une re-victimisation », et le greffier doit convaincre les Etats « de faire de la participation des témoins un élément central de la compétence unique de la Cour ».