L’autorité palestinienne s’apprête à référer à la Cour pénale internationale les « crimes de guerre » dont elle accuse Israël. Le document a été signé par le ministre des Affaires étrangères palestinien à Ramallah, mardi soir, et devrait être déposé sur le bureau de la procureure la semaine prochaine. Une étape capitale dans le dossier ouvert à la Cour depuis 2015.
Signé mardi soir, le document référant Israël à la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre » devrait être déposé par le ministre des Affaires étrangères de l’autorité palestinienne, Riad Malki, sur le bureau de la procureure dans le courant de la semaine prochaine, indique-t-on à Justice Info. La décision a été prise suite aux manifestations du 14 mai à Gaza, a indiqué à la presse le président du Comité palestinien sur la CPI, Saeb Erekat. Une fois que Ramallah réfère effectivement l’affaire à la procureure, Fatou Bensouda aura dès lors la possibilité d’ouvrir une enquête sans demander le feu vert des juges. La Cour devra désigner trois juges de la chambre préliminaire pour suivre l’évolution de l’affaire. Ils pourront notamment demander au procureur des explications, si elle devait décider de refermer le dossier, comme ce fut le cas dans l’affaire du Mavi Marmara, toujours en cours. Juridiquement plus lourde, la procédure est aussi éminemment plus sensible pour Israël.
Le 14 mai, alors que l’administration Trump inaugurait en grande pompe l’ouverture de son ambassade à Jérusalem – un acte considéré comme illégal au regard des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu sur le statut de la ville – les forces israéliennes réprimaient à balles réelles les manifestations à Gaza, faisant au moins 58 morts et près de 1360 blessés. Depuis le début, fin mars, de « la grande marche pour le retour », une série de manifestations organisées à Gaza, les tirs à balles réelles de l’armée israélienne auraient fait près de 120 morts et des milliers de blessés. Israël accuse le Hamas de manipuler les Gazaouis.
Une étape sensible
Jusqu’ici, Ramallah n’avait jamais formellement référé l’affaire à la Cour. L’autorité palestinienne a adhéré à la CPI en janvier 2015 après l’échec d’une tentative de négociation pour obtenir de l’Onu un calendrier du retrait israélien des territoires occupés de Cisjordanie. Quelques jours après, et à la demande de Ramallah, la procureure ouvrait un examen préliminaire (étape préalable à l’ouverture éventuelle d’une enquête) sur les crimes commis depuis juin 2014 à Gaza et dans les territoires occupés y compris Jérusalem-Est. Cet examen préliminaire est en cours depuis plus de trois ans.
Mardi, avant cette annonce, la procureure Fatou Bensouda a exprimé « sa profonde inquiétude » face à « l’escalade de la violence à Gaza », promettant de « prendre toute mesure appropriée ». Une formule assez vague pour laisser croire à une formalité. Mais une voix attendue dans le concert de protestations. Précisant que ces événements, comme ceux à venir, seraient aussi analysés, Fatou Bensouda a exhorté « toutes les personnes concernées à s’abstenir d’aggraver davantage cette situation et les Forces de défense israéliennes à éviter un recours excessif à la force ». Le 8 avril, la procureure avait déjà mis en garde : « toute personne qui incite ou commet des actes de violence, notamment en ordonnant, en demandant, en encourageant ou en contribuant de toute autre manière à la perpétration de crimes relevant de la compétence de la CPI, est passible de poursuites devant la Cour », prudente, elle précisait, « dans le plein respect du principe de complémentarité », selon lequel les Etats ont primauté sur la Cour.
L’impunité, moteur des crimes
La Ligue arabe a aussi appelé la Cour pénale internationale à poursuivre les auteurs de crimes commis à Gaza. Son Secrétaire général, Ahmed Aboul Gheit, a condamné les « massacres » d’Israël, jugeant qu’ils s’apparentent à « des crimes de guerre », demandant à la Cour d’intervenir. Dans le même temps, lors d’une réunion du Conseil de sécurité à New York, le délégué palestinien, Riyad Mansour, demandait l’arrêt immédiat de « l’odieux massacre commis par Israël dans la bande de Gaza », appelant à une enquête indépendante de l’Onu, relayant l’appel lancé fin mars par le Secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, auquel s’opposent les Etats-Unis, soutien historique d’Israël. « Nous accepterons les résultats de l’enquête en avance », a déclaré le diplomate, réitérant à trois reprises sa proposition. « Ce qu’il se passe sur le terrain n’est pas clair ? », a-t-il interrogé, faisant référence aux déclarations des autorités israéliennes évoquant les provocations du Hamas, accusé par l’Etat Hébreu d’avoir « pris en otage » la population de Gaza. « Si c’est le cas, il faut mener cette enquête », a asséné Riyad Mansour, ajoutant que « des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » ont été commis, « relevant du Statut de Rome, constitutif de la Cour pénale internationale ». Puis concluant que « c’est l’absence de la reddition de comptes qui permet à Israël d’aller plus loin dans sa politique de colonisation », et qui « lui permet de commettre des crimes ». Plus d’une dizaine de pays soutiennent la mise sur pied d’une commission d’enquête.