La Cour pénale internationale tiendra une audience le 5 juillet dans la seconde affaire intentée contre Jean-Pierre Bemba et ses co-accusés pour subornation de témoins. Dans un mémoire déposé lundi, la procureure estime que l’acquittement prononcé en faveur du sénateur congolais début juin, et relatif aux crimes en Centrafrique, est en partie basé sur de faux témoignages.
A 48 heures des débats sur la sentence dans l’affaire intentée contre Jean-Pierre Bemba pour subornation de témoins, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a déposé un nouveau mémoire. Fatou Bensouda estime que la subornation de témoins par l’ex vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) a eu un impact sur l’acquittement prononcé en sa faveur le 8 juin dernier. Si Jean-Pierre Bemba a été acquitté des charges de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour les viols, les meurtres et les pillages commis par ses soldats en Centrafrique, en 2002 et 2003, il reste coupable d’avoir, au cours de ce procès, suborné quatorze témoins. Sa culpabilité - et celle de quatre co-accusés - a été confirmée en appel début mars, mais la sentence définitive n’a toujours pas été prononcée. Dans son dernier mémoire, l’accusation estime que les faux témoins ont influé sur trois des cinq juges de la chambre d’appel qui ont prononcé l’acquittement en faveur du sénateur congolais.
Effets toxiques
« Les condamnés ont intentionnellement et irréversiblement empoisonné le dossier de preuve de l'affaire principale avec la déposition de faux témoignages, scénarisés et viciés », explique Fatou Bensouda, qui poursuit : « une fois que le dossier d'une affaire est pollué avec des preuves corrompues et de faux témoignages, il n'y a aucun moyen de contrôler la portée de leur effet toxique. En l'espèce, cet effet a atteint le stade de l'appel et a affecté au moins une partie importante de l'évaluation et des conclusions de la majorité » des juges de la chambre d’appel. « En bref, ajoute la procureure, les efforts concertés et illégaux des personnes condamnées peuvent avoir finalement réussi, non pas au procès comme initialement prévu, mais au stade de l'appel. » Quelques jours après l’acquittement, la procureure avait fustigé la décision d’acquittement dans un communiqué de presse - refusant de prendre acte de la faiblesse de son dossier initial - avant d’être rappelé à l’ordre par le président de la Cour. Jean-Pierre Bemba avait été poursuivi en qualité de supérieur hiérarchique, non pas pour avoir ordonné les meurtres, les viols et les pillages commis par ses troupes, mais pour ne les avoir ni punis, ni empêchés. En première instance, les juges avaient rejeté les preuves présentées par M. Bemba selon lesquelles il aurait puni ses soldats.
L’avenir politique de Bemba
La chambre de première instance avait à l’époque considéré que le patron du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) avait alors agi de mauvaise foi, dans le but de satisfaire la communauté internationale. Or pour la chambre d’appel, aucun des éléments du procureur n’est venu prouver cette mauvaise foi. Mais pour l’accusation, les juges d’appel font « tacitement » écho au récit « avancé par des témoins » subornés. Elle réclame donc la peine maximale - 5 ans de prison - et une « amende substantielle » contre Jean-Pierre Bemba, son avocat de l’époque, Aimé Kilolo et Jean-Jacques Mangenda, associé de la défense. Les peines infligées aux deux autres accusés, le député congolais Fidèle Babala et le témoin Narcisse Arido, ont déjà été confirmées en mars. Si les juges devaient prononcer une amende, elle serait versée au Fonds de la Cour pour les victimes, qui a promis de mettre en place un programme d’assistance aux victimes de la guerre de 2002/2003, faute, pour elles, d’obtenir des réparations. Dans un mémoire déposé avant l’acquittement, les avocates de M. Bemba réclamaient une peine ne dépassant pas un an de prison et 300 000 euros d’amende. Quand à maître Kilolo, il demandait la confirmation de 11 mois de prison – qu’il a déjà purgé en préventive – et une amende de 30 000 euros. Jean-Pierre Bemba a déjà passé plus de dix ans dans la prison de Scheveningen. Mais les juges estiment que dans cette affaire de subornation, il a purgé plus de quatre ans en détention préventive (depuis sa mise en accusation). Le 16 juin, il avait pu sortir de prison et rejoindre sa famille à Rhode-Saint-Genèse, en banlieue de Bruxelles, après avoir obtenue sa mise en libération anticipée. Depuis son acquittement, les spéculations sur son avenir politique vont bon train à Kinshasa, qu’il avait quitté suite à son échec à la présidentielle de novembre 2006 contre Joseph Kabila. Ses partisans espèrent son retour pour le Congrès du MLC, prévu mi-juillet.