La classe politique malienne saluait lundi la tenue du premier tour de l'élection présidentielle, pourtant perturbé par des attaques, le camp du président sortant l'annonçant "largement en tête" et celui de son principal rival pronostiquant un second tour entre les deux hommes.
Les électeurs de ce vaste pays d'Afrique de l'Ouest étaient appelés à choisir entre le président Ibrahim Boubacar Keïta, 73 ans, et ses 23 concurrents, dont le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, 68 ans.
La communauté internationale, présente militairement avec la force française Barkhane, qui a pris le relais de l'opération Serval déclenchée en 2013 contre les jihadistes, et avec les Casques bleus de l'ONU, attend du vainqueur une relance de l'accord de paix signé en 2015 par le camp gouvernemental et l'ex-rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards.
Malgré cet accord, les violences jihadistes ont non seulement persisté, mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du Mali, puis au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.
Les premiers résultats n'étaient pas attendus avant mardi ou mercredi, les résultats officiels provisoires devant être proclamés d'ici vendredi, avant un éventuel second tour le 12 août.
Mais selon les premiers résultats compilés par la coalition soutenant le président sortant, "Ibrahim Boubacar Keïta arrive largement en tête", a déclaré Mahamadou Camara, un porte-parole du candidat, se gardant de fournir des résultats chiffrés pour ne pas contrevenir à la loi. "Il est en bonne posture pour assurer sa succession", a-t-il ajouté.
De son côté, le directeur de campagne du chef de l'opposition, Tiébilé Dramé, a assuré "être en mesure" d'affirmer qu'un second tour opposerait MM. Keïta et Cissé, comme en 2013.
Le projet des partisans du président sortant de le faire réélire au premier tour "est déjà un échec", a ajouté M. Dramé, dénonçant "des bourrages d'urnes dans plusieurs localités du nord du pays" exigeant selon lui "un recomptage contradictoire".
Dans la soirée, le camp d'un autre candidat en vue, l'homme d'affaires Aliou Boubacar Diallo, a également assuré avoir la "certitude" que celui-ci serait au second tour", ajoutant: "on veut nous voler la victoire".
- Attaque vs. participation -
Le taux de participation n'était pas connu dans l'immédiat mais s'annonçait faible, selon les premières constatations d'observateurs électoraux.
Selon une source au ministère de l'Administration territoriale, il devrait être conforme à la tendance généralement observée dans ce pays, où moins du tiers des plus de 15 ans sont alphabétisés.
La participation devrait en outre être affectée par une série d'attaques jihadistes présumées qui a perturbé le vote, essentiellement dans des zones rurales du centre, malgré la mobilisation de plus de 30.000 membres des forces de sécurité, nationales et étrangères.
Pour "diverses raisons", le vote n'a pas pu avoir lieu dans 716 des plus de 23.000 bureaux de scrutin que compte le pays, selon le gouvernement. Près de 600 bureaux ont été affectés dans la région de Mopti (centre), mais dans tous les autres, le scrutin "s'est globalement bien déroulé et dans des conditions satisfaisantes".
Jusqu'au dernier moment, "tout le monde pensait que les élections n'allaient pas se passer", a confié lundi, soulagé, un commercial de Bamako, Hamada Touré.
- "Pays fortement troublé" -
Le déroulement du scrutin "montre quand même qu'un processus électoral peut se tenir dans un pays très fortement troublé", a indiqué à l'AFP Aurélien Tobie, chercheur principal sur le Mali à l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), tout en s'interrogeant sur la capacité du prochain président à transformer la vie des Maliens.
"Quiconque remportera cette élection ne sera qu'une marionnette entre les mains de la France et des pays croisés", a affirmé la principale alliance jihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda, dans sa revendication des tirs de roquettes qui ont visé dimanche le camp de la Mission de l'ONU (Minusma) à Aguelhok (nord-est).
Le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, chef de cette alliance, le "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans", est le dirigeant d'un des groupes islamistes qui s'étaient emparés de tout le nord du Mali en 2012.
Il s'était invité dans la fin de campagne, fustigeant dans une vidéo les "crimes" de l'armée malienne contre des civils et l'élection, source "d'illusions".
Selon Sean Smith, analyste pour l'Afrique au cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft, cette présidentielle "constitue un progrès par rapport aux élections locales de 2016", dernier scrutin dans le pays, puisque cette fois l'ex-rébellion a accepté que le vote se déroule dans les zones qu'elle contrôle, notamment son bastion de Kidal (nord-est).
Selon Abdoulaye Touré, un informaticien, "il faut lutter contre la corruption et restaurer l'autorité de l'Etat". Pour lui, "entre deux démons il faut choisir le moindre", explique-t-il: "Moi, je préfère un voleur qui travaille à un voleur qui fout rien".
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