Emmerson Mnangagwa, ancien bras droit de Robert Mugabe, a été élu président du Zimbabwe dès le premier tour, une victoire immédiatement rejetée vendredi par l'opposition, laissant craindre de nouvelles tensions dans un pays placé sous le contrôle de l'armée.
Emmerson Mnangagwa, qui dirige le Zimbabwe depuis la chute en novembre de Robert Mugabe après trente-sept ans au pouvoir, a obtenu 50,8% des voix, contre 44,3% pour son principal adversaire, Nelson Chamisa, lors des premières élections post-Mugabe, selon des résultats officiels définitifs.
"Par conséquent, Emmerson Mnangagwa Dambudzo du parti de la Zanu-PF est déclaré président élu de la République du Zimbabwe, à compter du 3 août", a annoncé la présidente de la commission électorale, Priscilla Chigumba, sous quelques acclamations.
Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a lui salué "un nouveau départ", avant d'appeler à l'unité pour "construire" un nouveau Zimbabwe pour tous".
Mais l'opposition a immédiatement rejeté sa victoire, annonçant qu'elle allait saisir la justice. "Les résultats sont faux, (...), nous allons dénoncer l'ensemble du processus" devant un tribunal, a déclaré Morgan Komichi, porte-parole du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Nelson Chamisa.
Depuis son indépendance en 1980, le Zimbabwe n'a connu que deux présidents, tous les deux issus de la Zanu-PF: Robert Mugabe, qui a dirigé d'une main de fer le pays pendant trente-sept ans, et Emmerson Mnangagwa, âgé de 75 ans, arrivé au pouvoir après un coup de force de l'armée.
Celui qui est surnommé "le crocodile" vient de confirmer dans les urnes son emprise sur le pays.
A l'annonce des résultats dans la nuit de jeudi à vendredi, les rues de la capitale Harare et du fief de l'opposition, Bulawayo (sud), étaient quasiment désertes.
Des militaires étaient visibles à des points névralgiques d'Harare. Un petit groupe de sympathisants de la Zanu-PF dansaient devant l'hôtel Rainbow Towers, qui abritent les bureaux de la commission électorale à Harare.
Mercredi, le gouvernement avait prévenu qu'il ne "tolérerait" aucune contestation, après la mort de six personnes lors d'une manifestation de l'opposition, réprimée par l'armée. Les manifestants dénonçaient des fraudes selon eux dans le processus électoral.
- "Désamorcer" la crise -
"On attend maintenant de Mnangagwa qu'il tienne ses promesses", a réagi vendredi à Harare un chauffeur de taxi, Langton Madanhi.
Sa victoire "signifie qu'on va continuer à souffrir", a estimé pour sa part un garde de sécurité, Emion Chitsate. "On espérait avoir un nouveau dirigeant et un nouveau gouvernement avec des nouvelles idées. Au final, l'avenir sera peut-être plus sombre que du temps de Mugabe".
Nelson Chamisa avait tablé sur son jeune âge, 40 ans, et la volonté de changement d'une partie des Zimbabwéens, en quête de sang-neuf, pour s'imposer à la présidentielle.
Le président Mnangagwa, soucieux de se démarquer de son prédécesseur, avait promis des élections libres, pacifiques et transparentes, dans l'espoir d'attirer de nouveaux les investisseurs occidentaux dans son pays au bord de la faillite.
Mais pendant la campagne électorale, l'opposition n'a cessé de dénoncer l'impartialité et le manque de transparence, selon elle, de la ZEC.
L'Union européenne s'est inquiétée mercredi de "l'inégalité des chances" entre les candidats, des "intimidations d'électeurs et du manque de confiance dans le processus électoral" qui ont "miné l'environnement pré-électoral".
Les Zimbabwéens s'étaient déplacés lundi dans le calme et en masse pour ces élections générales historiques qui devaient marquer un tournant dans l'histoire du pays, où les élections ont été régulièrement entachées de fraude et de violence.
Mais ces espoirs ont été douchés par la répression meurtrière de mercredi, après l'annonce de la victoire écrasante de la Zanu-PF aux législatives.
La communauté internationale s'est inquiétée de ces tensions post-électorales. Le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale du Zimbabwe, a demandé à Harare de retirer l'armée des rues de la capitale.
"Quelle perte de temps de s'être inscrit sur les listes électorales, d'avoir voté pour avoir au final des gens tués", a estimé, dépitée, Sharon Nhamo, une employée de parking de 40 ans.
Ces violences sont "vraiment décevantes", a réagi un autre habitant d'Harare, Timie Manuwere, 37 ans, expliquant cependant ne pas être surpris. "Il était très improbable que ces gars abandonnent juste le pouvoir au bout de huit mois. ll faut aussi qu'ils profitent du coup."
"Nous avons tous été naïfs, y compris la communauté internationale", a estimé Ibbo Mandaza, un analyste du groupe de réflexion Southern African Political and Economic Series (SAPES) basé à Harare.
"Nous avons refusé d'appeler un coup un coup et la communauté internationale a été naïve de penser que les élections seraient libres et justes sous un gouvernement militaire", a-t-il déclaré à l'AFP.