Voici quelques-unes parmi les décisions les plus marquantes du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui termine ses travaux cette année.
Jugement Akayesu : le 2 septembre 1998, le TPIR prononce son premier jugement mais aussi le tout premier jugement rendu par la justice internationale pour génocide. Reconnu coupable de génocide et crimes contre l'humanité, l'ancien maire de Taba (centre du Rwanda), Jean-Paul Akayesu, est condamné à la prison à perpétuité. Dans le jugement, le viol est reconnu pour la première fois comme pouvant être constitutif du crime de génocide, lorsqu'il est commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe particulier ciblé comme tel.
Condamnation de l’ex-Premier ministre : le 4 septembre 1998, Jean Kambanda, le chef du gouvernement intérimaire en place après l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, est condamné, après être passé aux aveux, à la perpétuité pour génocide, entente en vue de commettre le génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, complicité dans le génocide et crimes contre l'humanité. L'ancien Premier ministre reviendra sur ses aveux lors de son appel qui sera rejeté le 19 octobre 2000.
Jugement dans l'affaire médias : le 3 décembre 2003, l'historien Ferdinand Nahimana, l'un des fondateurs de la tristement célèbre Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), est condamné à la prison à vie de même que Hassan Ngeze, propriétaire-directeur du journal Kangura. Le juriste Jean-Bosco Barayagwiza, un autre fondateur de la RTLM, se voit infliger 35 ans de prison. Le novembre 2007, la chambre d'appel réduit les peines. Nahimana est condamné à 30 ans de prison, Barayagwiza à 32 et Ngeze à 35. La responsabilité de Nahimana est retenue pour des émissions incitant au génocide diffusées par la RTLM après le 6 avril 1994 en raison du fait qu'il n'a pas puni ses subordonnés, les journalistes de la station, alors qu'il savait ou avait des raisons de savoir qu'ils commettaient des crimes. La responsabilité de Barayagwiza n'est pas retenue en ce qui concerne la RTLM. S'agissant de Ngeze, la chambre d'appel confirme sa responsabilité pour avoir incité au génocide par le biais d'articles publiés dans son journal en 1994.
«Constat judiciaire » du génocide contre les Tutsis : le 16 juin 2006, à la demande du procureur dans le procès de trois dirigeants du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), le parti de l'ex-président Juvénal Habyarimana, la chambre d'appel conclut que le génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda est « un fait de notoriété publique », qui « fait partie de l'histoire mondiale ». « Il n'y a aucune base raisonnable pour qui que ce soit de nier qu'en 1994, il y avait une campagne de massacres de masse visant à détruire, en tout ou tout au moins en grande partie, la population tutsie du Rwanda », tranche unanimement la chambre.
Indemnisation d’un ex-ministre pour violation de son droit à un avocat : le 31 janvier 2007, dans une décision sans précédent, le TPIR ordonne au greffe de présenter des excuses et de verser une indemnisation de 2.000 dollars à un ex-ministre acquitté. Il s’agit de réparer la violation, durant les premiers mois de sa détention, de son droit d'être assisté par un avocat. Après avoir traîné des pieds, le greffe exécutera la décision. Ancien ministre de l'Enseignement primaire et secondaire, André Rwamakuba était resté sans avocat durant les premiers mois de sa détention. Les juges rejetèrent cependant ses prétentions à une réparation pour avoir été arrêté et détenu pendant près de 8 ans alors qu'il était innocent.
Condamnation de l'ancien patron de l'armée : Jugé avec trois autres officiers, le général Augustin Bizimungu, chef d'état-major de l'armée rwandaise pendant le génocide, est condamné le 17 mai 2011, à 30 ans de prison, pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Condamné essentiellement pour sa responsabilité de supérieur hiérarchique, le général Bizimungu paye des meurtres et des viols commis par des soldats de l'armée régulière, notamment à Kigali et Cyangugu. Selon une conversation versée au dossier, un diplomate américain avait prévenu le général le 13 mai 1994 qu'il répondrait un jour de ce qui arriverait aux Tutsis qui s'étaient réfugiés au stade de Cyangugu. Le jugement sera confirmé en appel.
Pour la première fois, un tribunal international condamne une femme : Unique femme à avoir été mise en accusation par le TPIR, l'ex-ministre de la Famille Pauline Nyiramasuhuko, jugée avec cinq autres accusés, est condamnée le 24 juin 2011, à la prison à vie. Ancienne assistante sociale devenue juriste sur le tard avant d’être adoubée ministre, elle est reconnue coupable de sept des onze chefs d'accusation qui étaient portés contre elle. Sa culpabilité est notamment reconnue pour génocide, entente en vue de commettre le génocide et crimes contre l'humanité. Elle a comparu en appel en avril dernier et attend le l’arrêt définitif vers la fin de l’année. Ce sera le dernier jugement du TPIR.
Premier renvoi d'une affaire au Rwanda : le 28 juin 2011, après avoir rejeté plusieurs demandes de renvois d'accusés vers le Rwanda, le TPIR rend sa première décision de transfert d'une affaire vers la justice rwandaise. Après une longue bataille en appel, le pasteur pentecôtiste Jean Uwinkindi sera remis aux autorités rwandaises le 20 avril 2012. Son procès est aujourd’hui en cours devant la Haute cour à Kigali.
Les patrons du MRND condamnés : le 21 décembre 2011, les chefs de l'ancien parti au pouvoir au moment du génocide contre les Tutsis sont reconnus coupables de génocide et crimes contre l'humanité et condamnés à la perpétuité. Matthieu Ngirumpatse était président du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) de l'ancien président Juvénal Habyarimana, tandis qu'Edouard Karemera était vice - président du parti. Dans ce jugement, qui illustre plus que tout autre au TPIR la responsabilité de supérieur hiérarchique, les deux hommes sont condamnés pour différents crimes perpétrés à travers le pays en 1994 par des membres de leur parti, en particulier les fameux miliciens Interahamwe du MRND. Le jugement sera confirmé en appel.